Tambour à friction et tambour tournoyant
Ce type d'instruments relève bien, pour les spécialistes, de la famille des tambours, instruments caractérisés par la présence d'une ou deux membranes qui, percutées manuellement ou par l'intermédiaire d'un battant, produisent le son. Dans le cas présent, c'est une tige ou une ficelle qui va mettre en vibration la membrane.
Ce type d'instruments relève bien, pour les spécialistes, de la famille des tambours, instruments caractérisés par la présence d'une ou deux membranes qui, percutées manuellement ou par l'intermédiaire d'un battant, produisent le son. Dans le cas présent, c'est une tige ou une ficelle qui va mettre en vibration la membrane.
La tige, rigide ou le fil, souple, reliée au centre de la membrane, peut être placée soit à l'intérieur du pot (comme sur la photographie du brau ci-dessus que montre Jean Vigouroux, de Lassouts, et dont parlent ici Paul Vergnes et Henri Gaubert, de Rullac-Saint-Circq, en Aveyron également, MUS1963.023.106 et 107), soit à l'extérieur. C'est le cas sur cet instrument des collections du Mucem (dépôt de l'ancien Musée de l'Homme) provenant d'Espagne et dont la caisse de résonance est en écorce de chêne-liège. Le tambour est dit "à friction" quand la tige, ou la ficelle, est frictionnée avec la main préalablement enduite de poix ou bien mouillée.
Ce terme, qui se base sur la description de l'instrument, est celui employé par les chercheurs car dans chacune des aires géoculturelles où on le trouve, il possède son appellation spécifique. Elle renvoie à la sonorité de l'instrument (MUS1947.006.117.003 et 002) qui peut être puissante (comme c'est le cas pour le terme occitan puisque lou braou évoque les mugissements du taureau), ou bien est purement descriptive (comme en Flandre où le rommelpot est le "pot qui bourdonne", ou chez les Basques qui l'appellent eltzegorra, le "pot qui rend sourd" ou dont la sonorité est sourde). Elle peut encore solliciter le registre physiologique ou... scatologique (comme le petadou provençal, terme qui se passe de traduction).
Marcel-Dubois et Pichonnet-Andral ont enregistré le tambour à friction pour la première fois au Pays Basque en 1947 (liens donné plus haut) auprès de l'abbé José Miguel de Barandiarán Ayerbe. Sept ans après, en Belgique, elles ont eu l'occasion, rare car l'instrument était déjà tombé en désuétude, de pouvoir enregistrer, auprès de Felix Van Eeckhoute, plusieurs pièces du répertoire chanté accompagnées au rommelpot . L'enregistrement a été réalisé en en 1954 au château de Wégimont, près de Liège, à l'occasion du premier colloque dédié à l’ethnomusicologie (MUS1954.011.003). Van Eeckhoute, ancien mineur né en 1909 en Flandre, avait été invité par le co-organisateur du colloque, Paul Collaer qui, l’année précédente, avait diffusé une captation de l’instrumentiste-chanteur à l’antenne de la radio belge dont il dirigeait alors les programmes musicaux.
Le "tambour tournoyant", qui fonctionne sur le même principe acoustique, est aussi désigné comme tel par les spécialistes en raison de son mode de jeu (voir la photo ci-contre). Le frottement de la ficelle autour de la tige de préhension (voir photo ci-dessous) déclenche la vibration de la membrane et donc la production de sons qui sont amplifiés par la caisse de résonance: une boîte de conserve dans le cas du "toholon" (improprement transcrit "toulouhou" par les enquêtrices) des Hautes-Pyrénées que l'on voit ici.
En 1956, Marcel-Dubois et Pichonnet-Andral ont rencontré le tambour tournoyant dans les Pyrénées. Elles ont l'occasion de l'observer en contexte.
Comme dans la plupart des cas d'ailleurs, c'est un instrument que l'on retrouve entre les mains des garçons pré-pubères, non pas en raison de son aspect "jouet", mais bien parce qu'il renvoie à de très anciennes croyances "païennes" que le syncrétisme religieux a permis d'intégrer, ici au rite catholique (voir l'article instruments insolites). Il est en effet employé avant Pâques à l'occasion des jours dits "des ténèbres" (jeudi, vendredi, samedi saints), ceux de la passion et de la mort du Christ, quand les cloches sont réputées parties à Rome dans l'attente de la résurrection du Sauveur. Il se relie aux anciens rites masculins de la fin de l'hiver, destinés à favoriser le retour du printemps. Produisant des sons particulièrement inharmoniques, pour ne pas dire effrayants, ces objets sonores produisent une sorte de vacarme censé effrayer les "forces" hivernales afin de les repousser pour qu'elles laissent la place au renouveau printannier. On peut les entendre dans cet exemple sonore (MUS1956.003.069), capté alors que les jeunes garçons de Betpouey (Hautes-Pyrénées) déambulent dans les rues du village. Avec leurs tambours tournoyants mais aussi des crécelles, ils remplacent les cloches vouées au silence et appellent les fidèles à l'office du Vendredi saint.
Le tambour à friction dont il a été question plus haut est également un instrument masculin associé à ces rites où il est question de "faire du bruit" lors d'une période de l'année "disharmonieuse" (l'hiver est perçu avec crainte dans la société agro-pastorale où les humains sont tributaires de la nature et de ses aléas). Il produit ce que les ethnomusicologues appellent un "vacarme cérémoniel", comparable à celui que les jeunes hommes déclenchent lors des charivaris. Le répertoire collecté à Wégimont en 1954 en témoigne lui aussi (chants de Noël, du Nouvel An, de l'Epiphanie, du Jeudi saint, mais aussi de carnaval).
Sous une variante de taille plus réduite, Marcel-Dubois et Pichonnet-Andral retrouvent le tambour tournoyant dans le cadre de l'enquête Roussillon-Cerdagne de 1963.
C'est auprès de Jean Estirach, à Pia (Pyrénées-orientales) chez qui elles se sont rendues pour enregistrer des chants, qu'accompagnées du photographe Pierre Soulier, elles réalisent un reportage sur la fabrication et le mode de jeu de ce "tambour" appelé "cigale" (cigala en catalan). Découvrez sur cette page les photographies et les séquences sonores de ce reportage.