Basse-Bretagne

Claudie Marcel-Dubois et François Falc'hun à Plogastel-Saint-Germain, août 1939, photographiés par Jeannine Auboyer (ph1940.2.228)
Claudie Marcel-Dubois et François Falc'hun à Plogastel-Saint-Germain, août 1939, photographiés par Jeannine Auboyer (ph1940.2.228)

Présentation

Préparée minutieusement dès le début du printemps de l'année 1939 par Claudie Marcel-Dubois, assistée de Jeannine Auboyer, et par le linguiste François Falc'hun, l'enquête démarre le 15 juillet à Surzur (Morbihan) avant de se poursuivre vers l'ouest, en Cornouailles (Finistère).

itinéraire prévuUn terrain de deux mois avait été envisagé et préparé dès le mois de février (voir la carte prévisionnelle du parcours et ci-contre, les étapes prévues). Ils ont organisé leur terrain en 6 grandes étapes rayonnant autour d'une localité principale: du 15 au 25 juillet, à Surzur, du 26 au 31 juillet, à Brandérion, du 1er au 4 août, à Penmarc'h, du 5 au 10 août, à Quimper, du 11 au 15 août, à Gourin, du 16 au 25 août, à Châteauneuf-du-Faou, où il se sont vus stoppés par les "événements internationaux" le 26 août 1939.

Cette mission est la première enquête d'envergure qu'organise le jeune musée national des Arts et Traditions Populaires, fondé deux ans plus tôt par Georges Henri Rivière.

Dédiée à ce qu'on appelle encore le "folklore musical", elle fonde l'ethnomusicologie du domaine français. C'est aussi  la première (et, hélas,  la dernière) à avoir bénéficié d'une aide technique, en la personne de Jeannine Auboyer, laquelle, outre la réalisation des prises de vues photographiques, s’est occupée du tournage de courtes séquences de film qui représentent à ce jour un témoignage extrêmement précieux bien qu'amateur (lien plus bas). Elle a aussi tenu le  journal de route

Couverture du journal de route

L'enquête est modestement reprise en 1943 par Marcel-Dubois seule, dans la commune de Scaër qui devait faire l'objet d'une visite en septembre 1939. Quelques enregistrements supplémentaires, de chants essentiellement, seront effectués.

Objectifs

"Chargée de recueillir les chants, airs, danses populaires traditionnellement en usage dans la région", la recherche était "conçue suivant une méthode appliquée pour la première fois en France" explique le rapport préparatoire finalisé le 7 avril: elle associait en effet deux chercheurs dans deux disciplines différentes (musicologie, linguistique) et bénéficiait de moyens d'enregistrement du son et de l'image, ce qui était assez nouveau à l'époque.

Le travail des enquêteurs portait
 sur différents aspects ethnomusicologiques mais, en raison de la présence de Falc'hun, linguiste, la part belle a été faite à la littérature orale à travers la collecte des chants (198 au total) et à l'enquête linguistique (notation phonétique des textes chantés) .

3 premier couplet du chant Foer Gouel MikelOn voit ci-dessus la notation faite par ce dernier, du chant que l'on peut entendre ici (Foèr Gouél Mikèl é Landévant, La Foire de la Saint-Michel à Landevant, MUS1943.005.037.004) chanté par Charles Daniel (ci-dessous) et Jean-Marie Guyot (portant une cravate). La traduction, réalisée par Falc'hun, est donnée plus bas.

Charles Daniel Jean-Marie Guyot
La musique instrumentale a fait l'objet de quelques enregistrements (11 seulement) effectués auprès des traditionnels couples de sonneurs bombarde- biniou (tels que Mouillour-Denvic, qu'on entend ici sonner un air pour appeler la noce au repas MUS1943.005.076) et auprès d'accordéonistes tels que M. Nédélec que l'on voit ci-dessous et 
qu'on entend jouer un "jibidi" (MUS1943.005.118.005).

accordéoniste (ph.1940-2-266)

Marcel-Dubois souhaitait enquêter aussi sur les danses, mais s'occupant de la notation des chants, elle a dû renoncer à l'étude choréologique pour laquelle elle n'était de toute façon pas formée.
Les danses ont néanmoins été systématiquement documentées par des photographies souvent complétées par des  séquences de film (comme le montre cet exemple provenant de Surzur), 

Danse à Surzur (Ph-1940-2-27)
Séance de danse dans la cour du presbytère à Surzur, 16 juillet (cl. J. Auboyer, ph.1940.002.027, coll. Mucem)

Plus généralement, une enquête sur les instruments, accessoires, costumes et coutumes a été partiellement menée: les informations collectées sur le terrain ont été consignées dans le journal de route qui fourmille d'informations factuelles et ethnographiques présentant surtout l'intérêt du témoignage sur des faits anciens ou en voie de disparition. 

 

Résultats: un fonds d'archives exceptionnel

Cette enquête a été très importante, à plusieurs titres: pour ce qui est de l'intérêt et de la quantité des documents engrangés, parce qu'elle a permis de valider les nouvelles méthodes d'enquête qui seront ensuite mises en place presque systématiquement au musée, et enfin, parce que tous les moyens techniques de l'époque ont été mobilisés.

En plus de la collecte proprement dite (chants, photographies N/B et film muet N/B), les archives textuelles  sont très nombreuses (2684 pièces) et d'une grande diversité. Elles portent sur les trois phases de l'enquête (préparation, terrain, classement et exploitation des données), ce qui en fait la richesse. 

Elles sont constituées de documents manuscrits, tapuscrits et d'imprimés: des listes bibliographiques, le relevé des objectifs, le budget, les correspondances, les questionnaires préparatoires pour repérer les informateurs et organiser l'itinéraire, le journal de route (qui rend compte du travail effectué chaque jour, indique les personnes rencontrées, les clichés et les enregistrements du jour, rapporte diverses informations et anecdotes), les notes de terrain.

Documents incontournables à l'époque où l'enregistreur est encore rare (et qui se sont avérés fort utiles quand l'appareil n'a pas voulu fonctionner...), les relevés musicaux pris à la volée par C. Marcel-Dubois - voir ci-dessoustranscription musicale (page 3 du cahier de musique 1)ont été faits systématiquement et recopiés au propre au retour de terrain.

De même, les relevés phonétiques des chants ont été fait méthodiquement par Falc'hun.
 

La  biographie des informateurs, le contexte d'exécution des chants et des airs enregistrés ont été relevés sur des carnets de terrain spécifiques (en plus des carnets de notation tenus par Falc'hun et Marcel-Dubois dont on voit ici une illustration) ce qui fait que chaque enregistrement est documenté et contextualisé de manière approfondie.

Les archives comprennent aussi le bilan de la recherche, des coupures de presse, des textes de conférences données par les enquêteurs à Paris et à Rennes, le registre d'inventaire des photographies avec leur légende, le registre d'inventaire des enregistrements sonores et leur légende, un projet de publication...

traduction chant Foer gouel Mikel

Les résultats de l'enquête sont restés inédits jusqu'à la publication, en 2009, d'un ouvrages de 448 pages, accompagné d'un DVD. Intitulé Les archives de la Mission de folklore musical en Basse-Bretagne de 1939 du Musée national des arts et traditions populaires, il a été co-édité par le CTHS avec Dastum.

Un site internet a été réalisé en 2014, sur lequel on trouve
la totalité des archives et de la collecte selon un classement arborescent facilitant l'accès au ressources.

Par ailleurs, l'ensemble des séquences filmées ont été montées et sonorisées de façon à faire connaître à un large public cette enquête exceptionnelle par la richesse de ses archives et par son ancienneté (voir le film).

En complément, voir dans le site, les pages thématiques suivantes:
- à la rencontre des sonneurs de tradition
- une noce bien bretonne
- le kan ha diskan, une spécificité bretonne

Données de l'enquête

La mission de 1939 rassemble:

- 218 fichiers sonores (MUS1943.005), malheureusement mal conservés sous l'occupation,

- 2.684 fichiers d’archives textuelles ventilés dans 86 dossiers relevant des cotes FRAN_0011_2013043_031 à FRAN_0011_2013043_037,

- 24  minutes de film muet, en noir et blanc, correspondant à 21 séquences de film (accéder aux séquences), 

- 437 photographies (ph_1940_002, télécharger l'inventaire), réparties selon le 6 zones de rayonnement indiquées plus haut:
* Surzur, photographies 1 à 100, photographies 101 à 126,
* Brandérion, photographies 127 à 183,
* Penmarc'h, photographies 184 à 204,
* Quimper, photographies 205 à 275,
* Gourin, photographies 276 à 341,
* Châteauneuf-du-Faou, photographies 342 à 437.


Consulter le fonds d'archives sur Didόmena

- La courte mission complémentaire effectuée à Scaër en 1943 comporte 22 enregistrements (MUS1943.006, on entend ici Marie-Jeanne Charpentier chantant la gwerz "Jeunes filles de Pleumeur" MUS1943.006.006) et 36 fichiers d'archives textuelles (dossier FRAN_0062_20130043_014_001).
 

Consulter le fonds d'archives sur Didόmena

Une partie des archives écrites produites par François Falc'hun sont conservées à la bibliothèque Yves Le Gallo du Centre de recherche bretonne et celtique (Université de Bretagne occidentale, Brest, Finistère). Ce lien (cliquer ici) donne accès à la liste des archives concernées.

Rédactrice: Marie-Barbara Le Gonidec