Concours de chant improvisé à la Maison des Basques de Paris

Affiche de la finale du concours de Bertsulari de Paris en 1958
Affiche de la finale du concours de Bertsulari de Paris en 1958

Introduction

Après une importante mission de collecte au Pays Basque en 1947, Claudie Marcel-Dubois et Maguy Pichonnet-Andral avaient effectué en 1953 un court séjour à Biarritz à l'occasion du festival mondial de danses et chants folkloriques qui s'y déroulait, s'entretenant notamment à cette occasion avec le txülülari (joueur de flûte) Ximun  (Simon) Patalagoïty.
Cinq ans plus tard, elles retrouvent à Paris, à la Maison des Basques, lors de la finale d'un concours de"bertsu", le chant basque improvisé, deux chanteurs qu'elles avaient enregistrés en 1947, le souletin Etxahun (qui se produit hors compétition) et Mattin; elles découvrent également d'autres bertsulari dont Basarri, Uztapide et Xalbador. Le lendemain de cette épreuve, soit le 19 mai 1958, elles reçoivent au MNATP trois des concurrents de la veille ainsi que Teodoro Hernandorena, l'organisateur et le présentateur de la compétition.

Le contexte

Le déclenchement de ce qui s'apparente presque plus à un reportage qu'à une enquête semble avoir été un appel téléphonique de Teodoro Hernandorena à Marcel-Dubois, effectué le 13 mai 1958 pour inviter l'ethnomusicologue, dont il avait fait connaissance lors du terrain de 1947, à assister cinq jours plus tard à la finale du concours de bertsulari qui doit se tenir à la Maison des Basques, située à Passy, dans une rue discrète du 16e arrondissement. C'est du moins ce que suggère une lettre figurant dans les données textuelles (FRAN_0011_08551). La décision d'assurer la captation de cette épreuve de chant improvisé a donc été prise elle aussi à l'improviste et elle témoigne de la réactivité des deux chercheuses. Il est vrai que la manifestation est dédiée à la mémoire de l’abbé Jules Martin Moulier "Oxobi", décédé quelques mois auparavant, sans avoir vu paraître le disque où il disait quatre des fables de La Fontaine dans sa traduction en basque (un extrait est accessible à l'adresse https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb378615237) : dans son presbytère d'Arcangues, Oxobi avait été leur hôte lors de leur première mission au Pays Basque, en 1947, et elles ont sûrement souhaité participer à cet hommage posthume. Mais, professionnelle jusqu'au bout, par crainte que les prises de son sur le vif se révèlent par trop défectueuses, les conditions matérielles dans lesquelles elle et son assistante avaient dû opérer n'ayant pas permis de réfléchir au meilleur placement des micros, Marcel-Dubois convie spontanément T. Hernandorena ainsi que les bertsulari Xalbador, Mattin et Uztapide à une session complémentaire d'enregistrement, dans le studio dont elle dispose au palais de Chaillot : elle les  y accueille le lendemain du concours, le 19 mai 1958.

Les acteurs

Le concours avait été organisé par un expert en ce domaine, le Guipuscoan Teodoro Hernandorena (1898, Zizurkil - 1994, Hondarribia) (voir sa biographie), qui a également assuré la présentation de l'épreuve. Pour cette finale, étaient donc conviés à Paris cinq bertsulari:
- le Souletin Pierre Bordaçarre Etxahun-Iruri (1908, Iruri - 1979, Pau) ;
- Iñaki "Basarri" Eizmendi (1913, Errezil - 1999, Saint-Sébastien) et Manuel "Uztapide" Olaizola (1909, Endoia - 1983, Oiartzun), l'un et l'autre du Guipuskoa,
- le Labourdin "Mattin" Treku (1916-1981, Ahetze) (voir sa biographie),
- le Bas-Navarrais Fernando "Xalbador" Aire, (1920 - 1976, Urepel).
Le concours était dédié à la mémoire du prêtre et poète Jules Moulier "Oxobi" (1888, Bidarray - 1958, St-Pierre d'Irube/Hiriburu), curé d’Arcangues, auteur d'une traduction en basque des fables de La Fontaine, disparu en février 1958.
La composition du jury est en partie connue par un article paru le 14 mai 1958 dans le quotidien régional Sud Ouest (FRAN_0011_08550). Il rassemblait notamment des enseignants du secondaire et du supérieur nommés
Poussempes, "professeur à la Sorbonne", et Cabillon, "professeur au lycée Turgot" (qui est peut-être l'hispaniste Etienne Cabillon), ainsi que l'historien et écrivain Pierre Charritton (1921-2017), qui appartenait alors au clergé. L'article cite encore quatre autres personnes nommées Dagobert, Dassance, Leizaola et Monzon, sans préciser leurs prénoms et qualités, ce qui rend malaisé leur identification; il annonce également que la manifestation devait faire l'objet d'une captation audiovisuelle par les soins conjugués des télévisions anglaise et allemande, ainsi que d'une transmission sur les ondes de la radio espagnole.

Coupure de presse du journal Sud-Ouest

Le concours

Lors d'un concours de chant improvisé au Pays Basque, des sujets sont donnés aux chanteurs, assortis de contraintes formelles (improvisation en solo, à deux sous forme de dialogue, versifiée, etc.).
Cette alternance est bien présente lors du concours de Paris dont le déroulement peut être reconstitué grâce aux enregistrements effectués par Marcel-Dubois et Pichonnet-Andral. Il a enchaîné 9 improvisations  après une adresse, elle aussi improvisée, psalmodiée par Pierre Bordaçarre Etxahun-Iruri (MUS1958.007.001), et entre lesquelles s'intercale un entracte :
1. Salut au public (Agurra)
- Olaizola, Manuel "Uztapide" (MUS1958.007.002)
- Eizmendi, Iñaki "Basarri" (MUS1958.007.003 et MUS1958.007.004)
- Treku, Mattin "Mattin" (MUS1958.007.005)
- Aire, Fernando "Xalbador" (MUS1958.007.006)
2. Improvisation sur Oxobi (l'abbé Moulier)
- Olaizola, Manuel "Uztapide" (MUS1958.007.007)
- Eizmendi, Iñaki "Basarri" (MUS1958.007.008 et MUS1958.007.009), Treku, Mattin "Mattin" (MUS1958.007.010)
- Aire, Fernando "Xalbador" (MUS1958.007.011)
3. Improvisation sur la langue basque ("euskara")
- Olaizola, Manuel "Uztapide" (MUS1958.007.012)
- Eizmendi, Iñaki "Basarri"(MUS1958.007.013)
- Treku, Mattin "Mattin" puis Aire, Fernando "Xalbador" (MUS1958.007.014)
4. Dialogues ("Ofizioa") portant d'abord sur une demande en mariage entre le prétendant et le père de la jeune fille puis entre un célibataire et un homme marié sur les avantages et les inconvénients respectifs du mariage et du célibat
* Treku, Mattin "Mattin" (le prétendant) et Eizmendi, Iñaki "Basarri" (le père) (MUS1958.007.015 et FRAN_0011_08578)
* Olaizola, Manuel "Uztapide" (l’homme marié) et Aire, Fernando "Xalbador" (le célibataire) (MUS1958.007.016 et FRAN_0011_08579)
5. Improvisation à quatre, de type "Punttuka" (chacun une phrase) (MUS1958.007.017)
Entracte : Chant improvisé en hommage à Oxobi (MUS1958.007.018) par Pierre Bordaçarre Etxahun-Iruri.
6. Improvisations sur "les conseils des parents aux enfants qui sont obligés de quitter le pays" et qui "retirent tous leur béret" (FRAN_0011_08582),
Aire, Fernando "Xalbador" puis Treku, Mattin "Mattin" (MUS1958.007.019)
- Eizmendi, Iñaki "Basarri" (MUS1958.007.020)
Olaizola, Manuel "Uztapide" (MUS1958.007.021 et MUS1958.007.022)
* Eizmendi, Iñaki "Basarri" (le père "aita") et Treku, Mattin "Mattin" (le fils "semea") (MUS1958.007.023)
* Olaizola, Manuel "Uztapide" (la mère, "ama") et Aire, Fernando "Xalbador" (la fille, "alhaba") , ainsi que Teodoro Hernandorena qui intervient après les deux premières strophes pour dire que les "pertsulari" n’ont pas compris le sujet et qu'il y a eu méprise dans la distribution des personnages, d'où une reprise (MUS1958.007.024, 025, 026, 027, 028 et FRAN_0011_08587).
7. Improvisations dialoguées
* sur la jupe (courte !): Olaizola, Manuel "Uztapide" et Aire, Fernando "Xalbador" (MUS1958.007.029)
* sur la boisson: Eizmendi, Iñaki "Basarri" et Treku, Mattin "Mattin" (MUS1958.007.030)
8. Improvisations en solo avec rimes imposées
- Aire, Fernando "Xalbador" (MUS1958.007.031) Treku, Mattin "Mattin" (MUS1958.007.032)
Eizmendi, Iñaki "Basarri" puis Olaizola,
Manuel "Uztapide" (MUS1958.007.033)

Treku, Mattin "Mattin" (MUS1958.007.034)
suivies d'un chant improvisé de remerciement par Pierre Bordaçarre Etxahun-Iruri (MUS1958.007.035)
9. Improvisation à quatre de type "puntuka" (chacun une phrase) suivies de la remise des coupes et des dernières improvisations (MUS1958.007.036 et 037), avant un chant improvisé de salut par Pierre Bordaçarre Etxahun-Iruri (MUS1958.007.038).

Mattin, Xalbador, Uztapide et Hernandorena effectuent douze enregistrements supplémentaires le lendemain de la finale, au studio du MNATP. Alternent, comme suit, des chants, des improvisations et des informations organologiques :

- Oihan beltzean zoinen eder den (Chant à la mariée), par Mattin (MUS1958.007.039)
- Improvisation sur les noces, par Mattin (MUS1958.007.040)
- Information (parlée) sur le tambour à friction, par Xalbador (MUS1958.007.041)
- Information (parlée) sur le rhombe (MUS1958.007.042)
- Improvisation à trois, par Xalbador, Mattin et Uztapide (MUS1958.007.043)
- Improvisations sur le MNATP, par Xalbador (MUS1958.007.044), Mattin (MUS1958.007.045) et Uztapide (MUS1958.007.046)
- Asto baten gainean, Domingo Kanpaña, par Hernandorena (MUS1958.007.047)
- Beberinetan, par Xalbador (MUS1958.007.048)
- Oihanian zuiñen eijer (Oihanean zoin den eder), par Mattin, Xalbador, Uztapide et Hernandorena (MUS1958.007.049)
- Agur Xiberua, par Mattin et Xalbador (MUS1958.007.050).

Les archives de l'enquête

Les archives sonores
Elles sont constituées de 50 enregistrements formant la collection  MUS1958.007. 39 ont été effectués lors du concours, les 11 derniers durant la session du lendemain au palais de Chaillot.

Les archives textuelles
Rassemblées sous la cote FRAN_0011_20130043_073, elles sont réparties entre 4 dossiers.
Le premier  regroupe des documents isolés :
- une affiche imprimée en français, annonçant la "Sensationnelle finale du grand concours des bertsularis avec tous les champions du Pays Basque", (FRAN_0011_08546_L),
- une affiche imprimée en basque qui annonce à la fois le concours d’Urrugne (13 avril 1958) en hommage à "Baxurko", et celui de Paris (18 mai 1958) en hommage à "Oxobi" où seront présents les quatre meilleurs bertsulari ainsi que le Souletin Etxahun qui se produira "hors concours",(FRAN_0011_08547_L),
- une coupure de presse, extraite du quotidien Sud Ouest (édition du 14 mai 1958), qui annonce la manifestation, donne des indications sur la composition du jury et annonce tant sa captation télévisuelle que sa retransmission radiophonique,
-
des notes manuscrites de Claudie Marcel-Dubois dont une ("Suite Basques") à destination de Georges Henri Rivière, légèrement postérieure au concours (22 mai 1958), où elle évoque notamment les informateurs communs à l'enquête de 1947 et aux enregistrements de 1958 et où elle mentionne l'appel téléphonique de Teodoro Hernandorena à l'origine de la captation effectuée à la Maison des Basques.       
Le deuxième dossier (FRAN_0011_08552_L.jpg à FRAN_0011_08562_L.jpg) est un carnet de notes, renseigné sommairement durant les prises de sons du concours, comparable à ceux que Marcel-Dubois et Pichonnet-Andral noircissaient dans le feu de l'action et sur le contenu desquels, rentrées au Musée, elles s'appuyaient au stade de "l'élaboration de l'enquête".
Le troisième dossier (FRAN_0011_08563_L.jpg à FRAN_0011_08611_L.jpg) est un cahier sur papier carboné, renseigné par Pichonnet-Andral. A raison d'un feuillet par enregistrement, il met au propre les informations figurant sur le précédent, en indiquant au minimum pour chacun le(s) nom(s) du ou des chanteurs-improvisateurs impliqués, ainsi que le titre (ou le sujet) de l'improvisation. Les feuillets 1 à 38 concernent les prises de sons effectuées durant la finale du concours, les feuillets 39 à 47 celles effectuées le lendemain dans le studio d'enregistrement du MNATP, au palais de Chaillot. Leur nombre est donc légèrement inférieur à celui des fichiers.

Le quatrième dossier (FRAN_0011_08612_L.jpg à FRAN_0011_08616_L.jpg) réunit 5 feuillets manuscrits, de la main de Marcel-Dubois, écrits sur le cadre pré-imprimé de la Direction des musées de France (papier dit "minute") : il s'agit d'indications sur le contenu des improvisations ou des informations délivrées par les chanteurs-improvisateurs durant leur passage au MNATP. La date indiquée sur le premier feuillet est donc inexacte.

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Rédacteurs: Marie Hirigoyen Bidart et Pantxix Bidart
Remerciements: Pagoa Bidart, Jakes Larre (Institut culturel basque-EKE) et François Gasnault.