Festival mondial de danses et chants folkloriques de Biarritz

Affiche du festival, 1954 (Archives nationales, 20130043/53)
Affiche du festival, 1954 (Archives nationales, 20130043/53)

Présentation

Saisissant l’opportunité de la tenue au Pays basque d’un "festival mondial de danses et de chants folkloriques" promu par l’International Folk Music Council, la mission des 12, 13 et 14 juillet 1953 à Biarritz (et Pampelune) est moins une enquête que la captation des prestations scéniques assurées par quelques-uns des groupes de chanteurs, instrumentistes ou ensembles musicaux, parmi la vingtaine, venus de France, d’Europe, d’Asie et des États-Unis, qui avaient été invités. Les performances enregistrées témoignent de la tension à laquelle la mise en spectacle d’une pratique sociale soumet des interprètes encore reliés aux anciens milieux paysans et dont, pour la plupart, l’oralité a été le mode d’apprentissage de la musique et de la danse.

Circonstances

Aussi soucieuse d’ouverture à l’international que le "patron", Georges Henri Rivière, co-fondateur en 1946 du Conseil international des musées (ICOM), Marcel-Dubois a très tôt rejoint les instances dirigeantes de l’International Folk Music Council (IFMC), une organisation non gouvernementale créée en 1948 à Londres, où elle avait séjourné à plusieurs reprises avant-guerre, par deux personnalités qu’elle connaissait, britanniques l'une et l'autre : le compositeur Ralph Vaughan Williams (1872-1958) et la folkloriste Maud Karpeles (1885-1976).

Sa présence va donc de soi, comme celle à ses côtés de Pichonnet-Andral, à la double manifestation que l’IFMC promeut pour l’été 1953, à l’invitation des municipalités en Pays Basque sud puis nord de Pampelune (province de Navare, Espagne) et de Biarritz (région du Labourd, Pyrénées-Atlantiques): le deuxième «Festival mondial de chant et de danse populaires» et son sixième congrès annuel. La programmation, qui fait alterner les manifestations en plein air, ouvertes au public, et les séances plus intimes réservées aux congressistes, prévoit aussi un démarrage spectaculaire dans la capitale de la Navarre, les 10 et 11 juillet qui coïncident avec la fête de San Fermin, avant un transfert dans celle du Labourd pour trois jours guère moins animés, du 12 au 15.

Trois sujets ont été retenus comme thèmes du congrès: les «danses et chants rituels et de cérémonie», «la musique populaire (danse et chant) dans l’éducation» et «la distinction entre folklorique et populaire». Ils inspirent plus ou moins le contenu des manifestations folkloriques accueillies dans plusieurs quartiers de Biarritz: si les quatre scènes mobilisées pour les exhibitions sont souvent occupée par des chanteurs et surtout par des danseurs originaires des sept provinces basques, ils la partagent avec vingt-trois groupes «caractéristiques», dont, pour la France, un groupe d’Auvergne, et un autre de Basse-Bretagne. Il semblerait que, pour ce qui concerne la France, le choix ait été confié par l'IFMC au directeur du musée des ATP qui l'aura délégué à Claudie Marcel-Dubois (voir ce courrier envoyé à G. H. Rivière, le 5 février 1953 par le responsable du groupe de Penmarc'h-Saint Guénolé proposant la candidature de ce dernier - FRAN_0062_0481_L, 15e document du dossier d'archives 11-2-05).
Seize pays d’Europe et d’Asie ainsi que des États-Unis ont également répondu à l’invitation de l’IFMC d’envoyer «dans la mesure du possible des danseurs et chanteurs traditionnels» pour «exécuter de la musique populaire authentique».

Chronologie et informateurs enregistrés

L’enquête s’effectue à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) le 12 juillet 1953, au parc Mazon, puis le 14 au parc des sports Aguiléra, lors des manifestations biarrotes du festival, qui permettent d'enregistrer les informateurs suivants:

  • Chanteur et chanteuse: Aindrias O'Muimhneachain (1905-1989) [T'aim-se atan mbaile, MUS1953.008.22],  et Jean Ritchie (1922-2015) [Little devils, MUS1953.008.030],
  • Musiciens, musiciennes: Simon Patalagoity dit "Xotal d’Alçay" (1898-1964), Yves Lejeune, Jean Ritchie [What'll have do with the baby O, MUS1953.008.032],
  • Groupes folkloriques (chanteurs et instrumentistes), à savoir:

* Belfast Folk Dance Society (Royaume Uni, Irlande du nord),
* La Bourrée d’Aurillac (France, Cantal),
* Cercle celtique de Poullaouen-Rostrenen (France, Finistère, direction: Loeiz Ropars,1921-2007),
* Compagnie folklorique Fanny Thibout (Belgique, Wallonie),
* Danzerini di Ariano (Italie, province d’Udine),
* Fédération nationale des costumes suisses (Suisse, canton de Zurich),
* groupe Bars d’Erzéroum (Turquie),
* Norges Ungdomslag (Norvège),
* Orok Bat (France, Pyrénées Atlantiques),
* Royal Scottish Dance Society (Royaume Uni, Édimbourg),
* Traditional Dancers and Singers (Irlande).

Enregistrements effectués

Ils reflètent à la fois la diversité de la programmation du festival, puisque les captations prennent en compte la majorité des ensembles qui se sont produits, et son homogénéité puisqu’il s’agit quasi exclusivement de musiques à danser, qu’elles soient interprétées à la voix, aux instruments ou au chant accompagné.

Les enregistrements du 12 juillet, effectués au parc Mazon, concernent les arts et traditions basques, avec, au fronton du parc, un reportage sonore sur une partie de pelote puis des performances instrumentales accompagnant des exhibitions de danses labourdines, bas-navarraises et souletines.

Le 14 juillet, ont été enregistrés des participants à la «Manifestation folklorique» donnée l’après-midi au parc des sports et qui venaient, outre du Labourd, d’Auvergne et de Basse-Bretagne, des dix pays suivants: Allemagne (Bavière), Belgique (Wallonie), États-Unis d’Amérique (Kentucky), Irlande, Italie (Frioul), Norvège, Royaume-Uni (Écosse et Irlande du Nord), Suisse, Turquie, ex-Yougoslavie (Croatie).

Au fil de ces enregistrements, on peut entendre les instruments de musique suivants: accordéons, cithare (dulcimer, psaltérion), cloches et sonnailles (sonnailles), cornemuses (biniou, cabrette, uillean pipes), flûtes (à trois trous txülüla ou xirula, et flûte traversière) et sifflets, guitare, hautbois (bombarde, zurna), instruments d’harmonie-fanfare (clarinette, trompette), instruments du monde pastoral (cor des Alpes), luth (théorbe), tambours et percussions (caisse claire, castagnettes, davul, tambour à peau atabal et tambourin à cordes ttun ttun), violon (violon, hardanger fiddle).

Après le terrain

La seule publication repérée, sous la signature de Marcel-Dubois, est le compte rendu, purement factuel, du festival et du congrès de l’IFMC qui s’est déroulé parallèlement, paru peu après, dans Le Mois d’ethnographie française (voir Références).

Il est cependant possible que l’impression procurée sur les enquêtrices par la prestation biarrote du cercle celtique de Poullaouen-Rostrenen dirigé par Loeiz Ropars soit à l’origine de la mission sur le chant alterné en tuilage kan ha diskan qu’elles ont accomplie deux ans plus tard à Poullaouen pour enregistrer à nouveau Ropars.

Références

- Loeiz Roparz, le rénovateur du fest-noz, textes réunis par Jefig Roparz, Brest, Emgleo Breiz et Al Leur Nevez, 2011.
- Marcel-Dubois Claudie, «Biarritz-Pampelune, Conférence et Festival de l’I.F.M.C.» dans Le Mois de l’ethnographie française, 1953, 4e trimestre, Chroniques, p. 363.
- Oyhamburu Philippe, «La Danse et la musique en Pays basque» dans International Folk Music Journal, vol. VI-1954, p. 36-40.
- Ritchie Jean, Folk Songs of the Southern Appalachians, Lexington, University Press of Kentucky, 1997 (2e édition).
- Sena Devar Surya, «Impressions of the world festival» dans International Folk Music Journal, vol. VI-1954, p. 2-3.
- Wolfram Richard, «Dances and music at the festival and conference» dans International Folk Music Journal, vol. VI-1954, p. 4-6.

Les archives de l'enquête

Archives Sonores

Elles sont rassemblées dans les collections MUS1953.008 (78 enregistrements) et MUS1953.009 (2 enregistrements), qui permettent d’entendre, dans la première collection :

  • une partie de pelote basque, avec annonce des points, irrintzina et commentaires experts  (MUS1953.008.002, MUS1953.008.003, MUS1953.008.005, MUS1953.008.007),
  • un groupe de musiciens d'Hélette en Basse-Navare (MUS1953.008.001), le groupe Orai Bat du Labourd, ainsi que le joueur souletin Simon Patalagoity,
  • le chanteur irlandais Aindrias Ó Muimhneacháin (MUS1953.008.020, MUS1953.008.021 et MUS1953.008.022) puis des joueurs de uillean pipes (MUS1953.008.024, MUS1953.008.025, MUS1953.008.026 et MUS1953.008.027), ainsi que la Belfast Folk Dance Society (MUS1953.008.053 et MUS1953.008.054),  
  • Jean Ritchie, chanteuse américaine des Appalaches (Tennessee) qui joue également la cithare appelée dulcimer (MUS1953.008.028, MUS1953.008.029, MUS1953.008.030, MUS1953.008.031 et MUS1953.008.032),
  • un ensemble vocal et instrumental bavarois (MUS1953.008.037, MUS1953.008.038, MUS1953.008.039, MUS1953.008.040, MUS1953.008.041, MUS1953.008.042 et MUS1953.008.043),
  • la compagnie folklorique wallonne Fanny Thibout (MUS1953.008.044 et MUS1953.008.045) [pas d'exemple en raison de la mauvaise qualité des  enregistrements]
  • le groupe folklorique auvergnat La Bourrée d’Aurillac (MUS1953.008.019, MUS1953.008.046, MUS1953.008.047, MUS1953.008.048, MUS1953.008.049),
  • les Danzerini di Aviano (MUS1953.008.050, MUS1953.008.051 et MUS1953.008.052), un groupe frioulan,
  • un ensemble croate (MUS1953.008.055, MUS1953.008.056, MUS1953.008.057 et MUS1953.008.058),
  • la Royal Scottish Dance Society (MUS1953.008.059, MUS1953.008.060 et MUS1953.008.061),
  • le cercle celtique de Poullaouen-Rostrenen (MUS1953.008.062, MUS1953.008.063, MUS1953.008.064, MUS1953.008.065, MUS1953.008.066 et MUS1953.009.009),
  • des chanteurs norvégiens (MUS1953.008.069et un joueur de violon hardanger affiliés au mouvement d’éducation populaire Norges Ungdomslag (MUS1953.008.068),
  • les joueurs de cors des Alpes et les chanteuses de la Fédération nationale des costumes suisses (MUS1953.008.070, MUS1953.008.071, MUS1953.008.072 et MUS1953.008.073),
  • et enfin le groupe turc Bars d’Erzéroum (MUS1953.008.074, MUS1953.008.075, MUS1953.008.076, MUS1953.008.077 et MUS1953.008.078).

Et dans la seconde collection, constituée par des enregistrements effectués en marge des prestations scéniques:

  • le joueur souletin de ttun ttun (tambourin à cordes) et de txülüla (flûte à trois trous), Simon Patalagoity (MUS1953.009.001 à MUS1953.009.004),
  • le couple de chanteurs du cercle celtique de Poullaouen, Loeiz Ropars et Yves Lejeune (MUS1953.009.005 à MUS1953.009.009).

Archives textuelles

La plaquette richement illustrée du programme de la double manifestation (festival et congrès) occupe le premier dossier (FRAN_0011_20130043_053_001).

Le deuxième (FRAN_0011_20130043_053_002) rassemble des pages d’éphéméride sur lesquelles Marcel-Dubois a écrit des indications aussi diverses que laconiques, en lien avec la "manifestation folklorique du 14 juillet":  pays d’origine des groupes, titres de morceaux ou noms des danses interprétées, relevé partiel des paroles de chansons, noms d’instruments de musique joués par les interprètes, précisions sur les enregistrements (redoublés, défectueux), etc.

Le troisième dossier (FRAN_0011_20130043_053_003) se limite à quatre feuillets de notes manuscrites sur les danses bretonnes, auvergnates et basques dansées à Pampelune les 10 et 11 juillet, puis sur le dulcimer et Jean Ritchie.

Enfin le quatrième (FRAN_0011_20130043_053_004) offre la version numérique du cahier de terrain de Marcel-Dubois, où elle a consigné ses observations pendant les enregistrements des 12 et 14 juillet sur la partie de pelote basque puis sur les démonstrations de chants et danses basques et bretons, ainsi que ses notes d’entretien avec Simon Patalagoity, joueur de tambourin à cordes ttun ttun et de flûte à trois trous txülüla, et avec Yves Lejeune, instrumentiste du cercle celtique de Poullaouen-Rostrenen (clarinettiste?).

Archives visuelles

Les 34 photographies rassemblées dans le dossier FRAN_0011_20130043_053_008 ont été prises le 14 juillet 1953 au parc des sports Aguiléra, probablement par Marcel-Dubois, pendant les prestations sur scène ou les évolutions sur la pelouse du stade de certains des interprètes programmés: les danseurs du Labourd, les joueurs de cors des Alpes de la Fédération nationale des costumes suisses, le groupe Bars, Jean Ritchie et son dulcimer, La Bourrée d’Aurillac, le cercle celtique de Poullaouen-Rostrenen, les instrumentistes d’un groupe bavarois et l’ensemble de danses populaires de Croatie.

A cela s'ajoute une planche contact de quinze vues (FRAN_0011_20130043_053_007) qui concernent toutes la prestation scénique du groupe Bars de Turquie. Seules certaines ont ensuite fait l’objet de tirages..

Le dossier FRAN_0011_20130043_053_006 se résume à une photographie de Simon Patalagoity, flanqué d’un joueur d'atabal (tambour à peau) qui semble être Pierre Aguer dit "Gat": elle n’est pas datée mais a sans doute été prise au début des années 1950. Elle a été offerte en 1986 à Pichonnet-Andral par des descendants de l’instrumentiste.

Consulter l'ensemble du fonds d'archives sur Didόmena

Rédacteur: François Gasnault
Remerciements à Marie Hirigoyen Bidart