Gaston Rivière et le concours de Saint-Amand Montrond
Sommaire
- Contexte général
- Richesse et diversité du terrain berrichon
- Le concours, temps fort de l'enquête
- Les organisateurs du concours
- Les antécédents
- Le règlement et l'organisation des épreuves
- Le jury
- Les candidats
- Les airs interprétés
- Le palmarès
- Défilé et "soirée de gala"
- Première incursion dans un atelier de lutherie
- Quand les deux Rivière font connaissance au palais de Chaillot
- Références
- Les archives de l'enquête
Contexte général
Cette enquête relative au concours de vielles et cornemuses de Saint-Amand-Montrond part des environs du village très sandien de Gargilesse (Indre) et s’y achève par la prestation d’un ensemble emblématique, la Société des Gâs du Berry. Entretemps, l’un des "sociétaires", Georges Charbonnier, facteur de cornemuses, a été enquêté dans son atelier de Nohant-Vic, ce qui constitue une première fois pour Claudie Marcel-Dubois comme pour Maguy Pichonnet-Andral; comme d’autres membres du groupe et bien d’autres «sonneurs», il a aussi été enregistré en tant que candidat inscrit au concours de vielles et de cornemuses accueilli par la municipalité de St-Amand Montrond (Cher). En sorte que les archives sonores de cette compétition témoignent du niveau technique des musiciens, tant routiniers que professionnels, en activité à l’aube des Trente Glorieuses dans les départements de l’Allier, du Cher, de l’Indre et de la Nièvre.
L’enquête connaît enfin un épilogue parisien en février 1956 qui consiste, pour Gaston Rivière, à enregistrer dans le studio du MNATP une anthologie de son répertoire à la vielle et à la cornemuse. Elle est cependant aussi appelée à se relancer dans le seul registre organologique avec un double terrain à Jenzat, la "capitale" de la vielle, en 1959 puis 1963, auprès de Jacques-Antoine Pajot, que le concours de Saint-Amand Montrond a honoré d'un diplôme d'honneur, plusieurs concurrents s'étant par ailleurs produits avec des vielles et des cornemuses Pajot.
Richesse et diversité du terrain berrichon: de la Phraisie aux luthiers de la Vallée noire
Après deux années sédentaires dans l’aile Chaillot du palais du Trocadéro (aucune mission en 1948, une seule assez brève en août 1949), entre autres raisons du fait des problèmes de santé de Marcel-Dubois, celle-ci retrouve le terrain en 1950, toujours en compagnie de Pichonnet-Andral et avec une ardeur proportionnée à la frustration qu’avait créée son immobilité forcée. Ce retour s’effectue dans une région qui leur est familière: le Bas-Berry et, en particulier, la vallée de la Creuse, les communes d’Éguzon et de Baraize, dont fait partie le village de Montcocu où leur amie Suzanne Pinault peut les héberger dans sa propriété, La Roseraie, et où a vécu la conteuse et chanteuse Euphrasie Pichon, dite la Phraisie (ou Fraisie).
Il se peut d’ailleurs que ce soient les obsèques de cette informatrice exceptionnelle qui les ait ramenées dans ce hameau au cœur de l’hiver. Elles avaient cependant un motif plus professionnel de séjourner dans la contrée puisqu’elles font alors l’acquisition, pour le compte du MNATP, à Lagdemont, autre hameau de cette commune de Baraize, d’une cornemuse Pajot datant du début du siècle. Le vendeur était un musicien routinier non dénommé, dont il est simplement précisé qu’il avait formé avec un vielliste et un autre joueur de cornemuse «un trio très apprécié dans les bals du pays jusque vers 1930» (Le Mois d’ethnographie française, 1950: 84).
Sept mois plus tard, les enquêtrices sont de nouveau dans le canton pour enregistrer le 20 août à Éguzon, son chef-lieu de canton, une prestation des "Gâs du Berry", invités à animer en musique la fête patronale et qu'on peut entendre dans deux de leurs grands classiques, La Marche des cornards et La Sortie de la messe d'Huriel. Elles-mêmes arrivent de Nohant-Vic et de La Châtre, où elles ont investi l’atelier de Georges Charbonnier dit "Plumet", après les avoir auditionnés, lui et son groupe, le 14 août à Saint-Amand Montrond où ils participaient au concours organisé par l’Amicale Bas-Berrichonne et la municipalité.
Ce va-et-vient entre l’univers de la performance et de la compétition et celui de l’atelier, caractérise d’autres enquêtes de la décennie. Sans doute importait-il alors aux ethnomusicologues d’observer en temps réel l’impact organologique des grands rassemblements folkloriques et d’examiner si les facteurs se sont souciés d’accroître la puissance sonore et la capacité de projection de leurs instruments.
Le concours, temps fort de l'enquête
C’est le temps fort de l’enquête, quoique ramassé sur une seule journée, celle du lundi 14 août, et encore pas au-delà du milieu de l’après-midi, puisqu’à la proclamation des résultats s’est enchaîné un défilé de groupes folkloriques, préludant lui-même à une «soirée de gala» dont la programmation très éclectique paraît révélatrice des attentes du public en matière de musique «populaire».
Pour rendre mesurables l’intérêt et l’importance de l’événement, il importe de déplier le mille-feuilles qu’il a comprimé sans perdre de vue l’unité de temps, de lieu et d’action qui l’a classiquement caractérisé. C’est ce qu’on tentera de faire en évoquant à présent le concours lui--même.
Les organisateurs du concours
Même si elle a été accueillie favorablement par la municipalité de St-Amand Montrond qui semble avoir apporté tout l’appui logistique nécessaire, l’initiative du concours revient à l’Amicale bas-berrichonne. Il s’agit d’une de ces associations d’originaires, qui ont proliféré à Paris durant la première moitié du XXe siècle. L’Amicale est de création récente, puisqu’elle n’a été fondée qu’en 1947, moins de trois ans avant le concours. L’âme du petit groupe des fondateurs, qui compte exclusivement des natifs de trois communes situées au sud du département du Cher (Châteaumeillant, Culan et Le Châtelet), s’appelle Maurice Delord (1907-1976) : plutôt que la présidence du conseil d’administration, il s’est réservé dans le bureau les fonctions plus opérationnelles de secrétaire général. Exerçant la profession de représentant de commerce mais se produisant occasionnellement comme chanteur dans les cabarets de Montmartre et du Quartier Latin, il a une certaine familiarité avec les artistes qui font briller la nuit parisienne; par ailleurs, Delord est lié à deux des vielleux (ou viellistes) berrichons les plus connus du moment, Gaston Guillemain et Gaston Rivière, ainsi qu’au poète et dessinateur Jean-Louis Boncœur. Le concours qu’il projette va lui fournir l’occasion de tester l’effet démultiplicateur de ses relations parisiennes et provinciales, moins étanches qu’on n’est tenté de le penser.
Les statuts de l’association assignaient notamment pour but à celle-ci le développement du tourisme dans le Bas-Berry, la facilitation de l’envoi au village des enfants des sociétaires durant les vacances, la publication d’un "Bulletin officiel", sobrement titré Berry, dont la rédaction en chef était assuré par Maurice Delord et qui a en effet paru (jusqu’en 1966), ainsi que l’organisation de deux fêtes annuelles: en hiver à Paris, en été «au pays».
Le concours de St-Amand Montrond ressortit donc bien de cette prescription. Sauf que l’organisation mise en branle dépassait les ressources en temps libre comme en numéraire d’une poignée de bénévoles. Même en prêtant à Maurice Delord des talents diplomatiques hors pair et un grand sens de la coordination, le déroulé sans heurt d’un programme pléthorique mobilisant le public et de très nombreux intervenants de 9h du matin à minuit peut difficilement s’expliquer sans l’implication d’un comité local des fêtes très professionnel et le concours de régisseurs techniques venus de Paris durant la fermeture estivale des salles de spectacles qui les employaient. Cependant les sources font défaut pour étayer cette supposition de bon sens.
Les antécédents
C’est déjà à St-Amand Montrond que s’était déroulé, en 1883, le premier concours de "vielles et musettes" recensé (Guillaumin 2003: 37). S’ils l’avaient su, les dirigeants de l’Amicale bas-berrichonne ne se seraient pas privés d’alléguer le précédent, au lieu de quoi le préambule du règlement soutient que "semblable manifestation n’a pas eu lieu depuis l’année 1901". Affirmation quelque peu imprudente, qui paraît relever de la rhétorique publicitaire: un concours de joueurs de vielles et de cornemuses s’est en effet déroulé cette année-là à Gannat, mais on en recense quelques autres qui lui sont postérieurs, dans d’autres localités du département de l’Allier (Chassaing 2009): y ont été régulièrement distingués le fameux vielleux Gilbert Malochet, dont deux petits-fils figurent parmi les concurrents de 1950, ainsi que plusieurs membres du jury de St-Amand Montrond: Pacouret (Antonin Rondier), partenaire régulier de Malochet sur l’estrade, Jules Aubouet ou encore les frères Lucien et Gaston Guillemain, dont le talent hors pair a été reconnu par Gabriel Pierné, membre du jury d’un concours qui s’est tenu à Vichy en 1896.
Le genre a même connu une brève faveur à Paris sous l’appellation de "concours de musiques pittoresques", notamment lors de l’exposition universelle de 1889 (Chassaing 2012). Il est toutefois indéniable que ces joutes instrumentales ont subi, durant l’entre-deux-guerres, une désaffection amenant leur disparition, qui peut s’expliquer, pour les musiciens professionnels, par leur moindre attractivité dès lors qu’elles ne procuraient pas de rémunération (Heintzen 2004).
Pour autant, on relève qu’un concours se tient en 1923 à Jenzat (Allier), à l’initiative de la maison Pajot (Guillaumin 2003: 38), et que d’autres sont organisés postérieurement dans le Morvan nivernais.
Il est surtout remarquable qu’en dépit de l’affluence qu’elle a suscitée, la manifestation de St-Amand Montrond n’a pas été répliquée, ni dans cette localité ni ailleurs en Berry, avant de nombreuses années: il faut en effet attendre 1963, à Bourges, pour une tentative elle aussi sans lendemain, avant l’institution en 1976 des Rencontres internationales de luthiers et maîtres sonneurs de Saint-Chartier, qui programment, enfin dans la régularité, des concours très courus d’instrumentistes, au prix d’un complet renouvellement du profil des candidats et de leurs options stylistiques.
Le règlement et l’organisation des épreuves
Quoiqu’il ait sûrement été communiqué à Marcel-Dubois, le règlement du concours ne figure pas dans le dossier constitué par les ethnomusicologues du MNATP. Il avait été publié dans Berry, le bulletin d’information de l’Amicale bas-berrichonne (n°7, mai-juin-juillet 1950, p. 3) mais on en connaît aussi des avant-projets manuscrits et dactylographiés conservés dans des collections privées. Les différences avec le texte publié sont surtout formelles, il y a eu aussi des coupes et, le registre normatif n’étant guère familier au rédacteur principal qu’a été Maurice Delord, des ajustements dans le sens d’une plus grande rigueur ont été apportés.
Le préambule, qui n’a été retouché qu’à la marge, expose sans détour les intentions des promoteurs: "perpétuer" et "maintenir la tradition", "renouer avec le passé" mais aussi "susciter l’émulation" en garantissant la relève générationnelle, d’où la volonté de rendre le concours accessible aussi bien aux débutants qu’aux virtuoses confirmés; il sera également abordable, le principe de la gratuité des inscriptions étant posé dès l’article 1er. En revanche, le caractère public des auditions n’est pas mentionné et pas davantage le montant du droit d’entrée qui serait exigé des auditeurs-spectateurs. Par ailleurs, la volonté de rassemblement se manifeste aussi dans le registre organologique puisque différents types de cornemuses (musettes, cabrettes, binious, bag-pipes) sont admises à concourir aux côtés de la cornemuse qu’on a pris l’habitude de dire «du Centre». Les musiciens qui feront acte de candidature, qualifiés de «rustiques» dans l’avant-projet de règlement, auront cependant l’obligation de jouer des instruments «de type traditionnel», sans «innovation ni transformation quelconque». À titre individuel, ils seront répartis en six catégories: professionnels, amateurs virtuoses, amateurs de 1re classe, amateurs jouant depuis plus ou moins de vingt ans, débutants; les «groupements ou sociétés» formeront une 7e catégorie. Les récompenses que tous sont susceptibles d’obtenir sont également hiérarchisées, du 1er prix au «diplôme de participation» et seront complétées, pour les primés, par une médaille commémorative dessinée par Boncœur.
Deux critères seulement sont retenus pour l’évaluation des performances: d’une part la présentation et la tenue de l’instrument, d’autre part l’exécution musicale, dotée d’un coefficient bien supérieur (0 à 18 sur 20 points). Trois articles (12 à 14) détaillent par avance le déroulement du concours: les candidats seront entendus "de la catégorie la plus modeste à la plus élevée", "pour rendre le concours aussi attrayant que possible" mais aussi pour éviter que l’écoute des professionnels et autres virtuoses ne démoralise les débutants; il est également précisé qu’après la délibération, la proclamation des résultats et la distribution des récompenses, tous les candidats devront participer "au défilé en musique dans la ville" jusqu’à la "dislocation au vin d’honneur".
Le jury
La composition du jury s’est révélée une entreprise difficile. Aussi la liste définitive s’est-elle en partie dissociée de celle espérée, sinon rêvée, par les organisateurs. L’idée initiale était celle d’une assemblée de pairs expérimentés cooptant les meilleurs parmi ceux incarnant la relève. Mais du fait de la raréfaction des compétitions durant les dernières décennies, les "lauréats des concours antérieurs" n’étaient pas "en quantité suffisante" pour former le jury. De fait, les vétérans, tous très anciennement primés, qui restaient mobilisables se comptaient sur les doigts d’une seule main: il s’agit de Jules Aubouet, Théophile Aubrun, des frères Gaston et Lucien Guillemain ainsi que du fameux Pacouret (Antonin Rondier). Maurice Delord leur aurait volontiers agrégé Gaston Rivière et il était prêt, le sachant très désireux de concourir, à l’admettre "à la fois parmi les membres du jury et au nombre des concurrents", comme en témoigne le règlement (article 2). De bons esprits n’ont cependant pas manqué de lui faire remarquer qu’autoriser Rivière à être juge et partie ruinerait "le plus pur esprit de justice et de bonne camaraderie" qu’il s’agissait d’afficher. Finalement son protégé lui-même l’avait tiré de ce mauvais pas en rejoignant exclusivement les rangs des futurs examinés.
C’est donc par nécessité qu’on se résigna à faire "appel à des personnalités compétentes en l’art musical", non sans endurer quelques déconvenues: à l’exception d’Aubrun, qui dirigeait l’harmonie de Châteaumeillant, il fallut se passer des "représentants qualifiés de diverses sociétés d’instrumentistes" et en particulier du "chef de musique de l’harmonie municipale de St-Amand Montrond ancien chef de musique des équipages de la flotte", d’abord pressenti pour la présidence mais qui n’accepta que de parader lors du défilé de la "grande fête folklorique"; Roger Dévigne, premier directeur de la Phonothèque nationale, ne dédaigna pas la présidence d’honneur mais allait briller par son absence. La présidence effective fut finalement assumée par Charles Brown (1898-1977), qui avait été nommé deux ans auparavant directeur de l'école nationale de musique de Bourges.
Invitation avait également été lancée à Georges Henri Rivière, sans doute parce qu’il était identifié comme le protecteur des groupes folkloriques français: sans la décliner, le conservateur en chef du MNATP annonça qu’il serait représenté par Marcel-Dubois, "chef de notre service de musicologie". Il ne semble pas cependant que la présence de sa doublure ait beaucoup impressionné les candidats: il est symptomatique que Gaston Rivière, qui évoque longuement le concours, tant dans un long entretien radiophonique enregistré en 1979 que dans ses mémoires publiées en 1990 (voir "références" ci-dessous), ne souffle mot de sa présence, pas plus que de celle de Pichonnet-Andral, alors même qu’il ne pouvait ignorer les attaches montluçonnaises de cette dernière à qui il a peut-être appris à jouer de la vielle à roue et avec qui il a sûrement sonné avant-guerre dans le groupe des Maîtres sonneurs du Bourbonnais.
Rivière a aussi imposé l'agrégation au jury d’Austin Fife (1909-1986), "grand savant américain, d’une grande compétence en folklore", qui a également contribué aux prises de sons. Cet ethnomusicologue américain, professeur à partir de 1946 à l'Occidental College de Los Angeles (Californie), grand spécialiste des traditions musicales des Mormons de l'Utah, séjournait en France depuis février, grâce à une bourse d’étude attribuée dans le cadre du Fulbright Act Exchange, en étant rattaché au Laboratoire d'ethnographie française du MNATP. Fife a employé les onze mois qu'il a passé en France avec son épouse Alma, également ethnomusicologue, et leurs enfants à faire des tournées de conférences et des causeries radiophoniques sur le folklore américain, à dresser une bibliographie élémentaire des études sur le folklore français et à enregistrer deux groupes musicaux de Catalogne Nord (Les Gais Troubadours et Orfeo Canigo). Il a par ailleurs participé au congrès de la Société d'Ethnographie française tenu à Caen (septembre 1950). Sa contribution logistique, le mois précédent, à l’enregistrement du concours de St-Amand Montrond et la publication de deux articles dans Le mois d'ethnographie française semblent les seules traces de son activité au bénéfice du MNATP qui soient conservée dans les archives de l’établissement. Rentré aux États-Unis, il devient en 1960 professeur de français et de folklore à l’université d’État de l’Utah, dont la bibliothèque a hérité de ses archives ethnographiques (Fife Folklore Archives). Les Fife Folklore Conferences, instituées en 1977par William A. "Bert" Wilson (1933-2016) au sein de l'université où il avait enseigné, se poursuivent encore aujourd’hui sous forme d’ateliers de recherche.
Les candidats
L’Amicale bas-berrichonne a reçu, entre mai et juillet 1950, soixante-six demandes de participation dont aucune ne fut récusée. Toutefois seuls quarante-trois des inscrits se sont présentés aux épreuves: trente vielleux, dix cornemuseux (en incluant les joueurs de cabrette et de biniou) et trois candidats dans les deux disciplines instrumentales (Gaston Rivière, Alfred Redon et Marcel Soing). La répartition par genre était tout sauf paritaire puisque n’ont été enregistrées que quatre candidates, toutes vielleuses: Madeleine Aubailly, Germaine Bertrand (seule professionnelle du quatuor), Madeleine Nore-Bonnichon et Michèle Vignaud, membres, sauf la première nommée, des Troubadours montluçonnais. La domination des amateurs était presque aussi écrasante que celle des hommes puisque seuls cinq candidats ont concouru comme professionnels: outre Aubailly et Rivière, sans rival (au passage) au concours Cornemuses, Francis Dupuis, André Vazeille et Hubert Foulatier que l'on voit ci-dessous.
En tout cas, ces chiffres dévoilent que le concours était en fait une compétition entre équipes (ou écuries) déjà constituées et qu’il s’inscrivait assez consciemment dans la représentation de la rivalité entre musique berrichonne et musique bourbonnaise, telle que George Sand l’a instituée et quasiment mythifiée dans Les maîtres sonneurs.
Et comme les bandes ménétrières d’Ancien Régime, ces équipes avaient leur chef, à la fois capitaine et formateur: Édouard Bignet pour les Gâs du Berry, Henry Lasne pour le groupe de Nérondes et, seul à descendre dans l’arène avec ses disciples montluçonnais, Gaston Rivière, lequel assuma expressément de se poser, en agissant ainsi, à la fois en tant que "porte-fanion, entraîneur, [et] garant du respect de nos traditions musicales", comme il se qualifiait lui-même. Pour autant, la différence d’âge n’était pas si considérable entre maîtres et compagnons. À dire vrai, les données d’état civil font défaut pour les deux cinquièmes des candidats. Mais quand elles sont disponibles, elles dessinent un profil médian qui les situe en majorité dans la force de l’âge: cinq candidats sont nés avant 1900, quatorze entre 1900 et 1930, sept seulement après ce dernier millésime. Parmi ces derniers figure Jean-Pierre Mercier, qui semble déjà bien maîtriser le jeu orné à la cornemuse du Centre, comme on l'entend dans cet air intitulé Bacchus ainsi que Gérard Delord, fils de Maurice, à l'aube d'une carrière remarquée sur les scènes des cabarets parisiens.
En réalité, plus que le sexe ou le statut, le trait dominant des candidats réside dans leur appartenance majoritaire à des groupes folkloriques, et, pour l’essentiel aux trois qui se présentaient dans la catégorie des ensembles: premiers ex aequo avec onze inscrits les Gâs du Berry et les Troubadours montluçonnais, le contingent des Sonneurs nérondais s’avérant plus modeste (quatre inscrits), et franchement symboliques ceux des Thiaulins de Lignières et d’Auvernha dansaïre (un seul représentant). Mais, dans ces deux derniers cas, il s'agissait rien moins que de leurs présidents-fondateurs, aussi bons musiciens que personnalités charismatiques, à savoir Roger Pearron, qui joue un pas d'été à la cornemuse, et Alfred Redon, qui interprète une mazurka à la vielle à roue. Les micros du MNATP capteront d'ailleurs de nouvelles interprétations de Redon lors de l'enquête de 1959 dans le Massif central.
On remarque par ailleurs, sans qu’il y ait trop lieu de s’en étonner, que la musique est présente, de façon centrale ou périphérique, dans l’activité professionnelle de plus d’un concurrent: on recense un chef d’harmonie, plusieurs luthiers, même s’il s’agit pour chacun d’eux d’une activité d’appoint, ou encore un marchand de musique.
On observe enfin que le port du costume régional n’a été ni prescrit ni proscrit. Cependant il est probable qu’il a été endossé par les membres des groupes folkloriques, en prévision du défilé qui devait suivre la remise des récompenses. C’est du moins ce que suggère la photographie, abondamment reproduite dans la presse quotidienne régionale, de Germaine Bertrand passant son audition en costume du Bourbonnais.
On trouvera à cette page, la biographie des principaux protagonistes de ce concours.
Les airs interprétés
Prenant publiquement la parole avant de procéder à la remise des prix, le président du jury, Charles Brown, a regretté que les concurrents "n’aient pas tous présenté que [sic] des airs de folklore, alors que tant d’entre eux – pour montrer leur virtuosité – ont joué de la musique populaire voire des rengaines."
C’était dire sans trop de ménagement qu’il avait peu goûté ce qu’il avait entendu, d’autant plus que cela ne correspondait pas à ce à quoi il s’était attendu, avouant ainsi avec quelque ingénuité qu’il ne concevait pas qu’on pût jouer autre chose que des musiques «pittoresques» sur des instruments «rustiques». Le concours l’avait donc contraint à perdre quelques illusions et à réaliser que les professionnels qu’il avait auditionnés mais aussi bien les candidats amateurs qu’ils avaient formés n’étaient en rien des musiciens routiniers: ils ne jouaient majoritairement pas des airs issus de la tradition qu’ils auraient appris d’oreille mais bien davantage des compositions ou des arrangements, techniquement difficiles et résolument tonaux, qu’ils avaient déchiffrés sur des partitions gravées!
Plusieurs, dans le lot, avaient déjà été entendus dans les concours de vielles et de cornemuses de la Belle Époque: y figurent des romances dont la vogue s’était maintenue (MUS1950.006.025.001; MUS1950.006.018.004; MUS1950.006.023.001), des transpositions de chansons du café-concert comme Le Cornemuseux de Marmignolles (MUS1950.006.014.002), ou encore des airs appartenant au répertoire des harmonies, fanfares et autres orphéons, comme la marche Partant pour la Syrie (MUS1950.006.012.027.001), attribuée à la reine Hortense, la mère de Napoléon III.
Il y a du reste abondance de marches, davantage prisées pour les parades régimentaires comme la Sortie de la messe d’Huriel (MUS1950.006.015.002 et MUS1950.006.034, la Marche des gars de La Châtre (MUS1950.006.031), la Marche des petits Pierrots (MUS1950.006.026.001 et 002, et 027.001), la Marche des vignerons, MUS1950.006.017), que pour les cortèges de noces paysannes, hormis peut-être la Marche des cornards, que quatre candidats ont tenu à interpréter (MUS1950.006.013.002, 024.002, 028.001 et 032) et que Ferdinand Brunot avait déjà enregistrée pour les Archives de la Parole en 1912 (accessible sur Gallica). On relève aussi des bourrées, berrichonnes (MUS1950.006.033-1; MUS1950.006.008-1), bourbonnaises (MUS1950.006.003.001) ou auvergnates (MUS1950.006.021.002), mais tout autant sinon plus des polkas (MUS1950.006.004) et des valses de style musette comme la Valse des blés noirs, composée ou arrangée par Martin Cayla, Auvergnat de la rue de Lappe, ou encore ce morceau de bravoure du style musette intitulé Perles de cristal, où peuvent être comparées les interprétations de Gaston Rivière et d'Hubert Foulatier.
Le plus souvent, compositeurs et éditeurs sont faciles à identifier et on repère tout aussi aisément l’existence d’enregistrements discographiques, antérieurs ou postérieurs au concours. Au reste, Pichonnet-Andral, dans son compte rendu de mission, convient qu’elle a enregistré beaucoup d’ "airs de romance et de danses en vogue pendant le premier quart du 20e siècle" et que la proportion des "airs folkloriques et régionaux" est au maximum de 42%, ce qui paraît très optimiste, d’autant que les musiques alors qualifiées de "régionalistes" procédaient d’une réélaboration sans ménagement de celles issues de la tradition orale. Par-delà le désappointement des experts, moins connaisseurs qu’ils ne se l’imaginaient, le référencement des titres et l’écoute de la captation sonore du concours révèlent surtout la volonté des interprètes d’appliquer à des musiques qui n’ont cessé de faire des allers-retours entre les campagnes et la capitale, un traitement stylistique tentant la synthèse du salon, du café-concert, de l’orphéon et du musette, à l’opposé de l’approche archéologique – et passablement idéologique – qui prévaudra dans les années 1970.
Ci-dessous, l'orchestre musette et jazz de Gaston Rivière dans les années 1930, formé de musiciens bourbonnais et berrichons dont quatre - Rivière, les frères Daugeron et Charbonnier dit "Plumet" - ont participé au concours de St-Amand Montrond (cliché Petit - La Châtre, coll. particulière)
Le palmarès
S’il ne figure pas dans le dossier d’enquête du MNATP, le palmarès est connu car il a été publié dans Berry (n°9, octobre-novembre-décembre 1950, p. 8), après avoir eu les honneurs de la presse quotidienne régionale (Journal du Centre, Nouvelle République du Centre Ouest, Le Berry républicain) le lendemain ou les jours suivant le concours. Il témoigne, selon l’usage, d’un dosage au trébuchet entre raison et sentiment, objectivité critique et considérations diplomatiques. C’est ainsi qu’en contrepartie du recours fréquent à l’ex aequo (dans toutes les catégories, sauf la 3e, au concours Vielle, et dans deux au concours Cornemuse), parfois au bénéfice de trois concurrents, le premier prix n’a pas été décerné dans deux catégories, les 2e et 4e, du concours Cornemuses. Au total, sans compter les trois ensembles primés, quarante-deux prix ont été décernés à trente-neuf concurrents, plusieurs d’entre eux en obtenant deux voire trois. En intégrant les diplômes «de participation», tous les inscrits sont repartis récompensés, à une exception près.
Cette prodigalité visait peut-être à conférer un cachet de discrétion au triomphe annoncé de Gaston Rivière. Tâche à dire vrai impossible et hypothèse dès lors improbable car non content de rafler les premiers prix aux deux concours, dans la catégorie «professionnels», avec les «félicitations à l’unanimité du jury», et d’obtenir un troisième premier prix (ex aequo) au bénéfice de son ensemble, les Troubadours montluçonnais, il pouvait considérer que le mérite des prix accordés à dix de ses élèves, tous membres du groupe précité, lui revenait en partie. Cependant, il serait inadéquat de parler de complaisance ou, plus désobligeant encore, de favoritisme. Figure majeure de la scène musicale et dansante depuis les années 1930 et dans toute la région, continuateur légitimé par eux-mêmes de Gilbert Malochet, Gaston Guillemain et Pacouret, Rivière pouvait aussi exciper d’une histoire personnelle qui unifiait en quelque sorte les traditions des sonneurs berrichons et bourbonnais, dans le droit fil de la saga sandienne: en effet, natif d’un village proche de Châteaumeillant, un temps sociétaire des Gâs du Berry, ce (Bas-)Berrichon avait épousé une Montluçonnaise et avait fait souche dans la ville de sa promise. Et c’est bien sur cette heureuse synthèse qu’insistait le compte rendu du concours publié dans Le Berry Républicain en félicitant un "fervent du folklore berrichon depuis sa tendre enfance" de s’être laissé "conquérir par le folklore bourbonnais". Un autre journal pouvait donc se laisser aller à manier l’hyperbole en célébrant le "champion de France" de la vielle et de la cornemuse, et en le qualifiant de "meilleur ménétrier de l’époque".
Cette emphase ne pouvait cependant que susciter la dérision et c’est sans doute pour en atténuer l’impact corrosif que l’éditorial de Berry, signé Jean Drouillet, qui rendait compte du concours, s’en prit vivement aux "détracteurs qui [l’ont]trait[é] par le mépris" en raillant un "concours régional sans envergure" alors qu’il a eu "un très grand retentissement", que les "lauréats [ont été] désignés après une longue délibération" et qu’ils "connaîtront les honneurs officiels aussi bien en France qu’en Amérique". Pour autant, l’éditorialiste allait attendre longtemps les réponses aux deux questions par lesquelles il concluait: "à quand le prochain concours national ?" et "quelle ville l’accueillera". Ce serait en 1963 et à Bourges, soit une modeste promotion de ce "concours national", d’une sous-préfecture au chef-lieu du département du Cher.
Défilé et "soirée de gala"
Le dossier d’enquête, dont on a signalé les lacunes (implicitement assumées par les enquêtrices) concernant le concours, documente a minima le reste de la programmation avec l’affiche, barrée en diagonale de trois bandes aux couleurs du drapeau français, de la "grande fête folklorique", reproduite ci-dessus. Les comptes rendus parus dans la presse quotidienne régionale ne laissent cependant aucun doute sur le fait que ces compléments ont été suivis par un public plus fourni et plus démonstratif, qu’on suppose principalement formé des habitants de la sous-préfecture et des villages environnants, avec le renfort probable d’un contingent d’originaires revenus passer les congés payés au pays. Cette fête populaire a en tout cas très habilement agencé les apports respectifs de la municipalité, de son comité des fêtes et de l’Amicale bas-berrichonne. Se sont ainsi succédé: en fin de matinée, une cérémonie publique, dans l’après-midi, un défilé empruntant les principales artères de la ville (au passage, la seule attraction gratuite), puis un concert dans le parc de Montrond avant le retour à la Halle aux grains pour la "soirée de gala", qui a elle-même précédé les bals de nuit conclusifs.
La première séquence, aussi grave que sont sérieuses les auditions du concours qui suivait parallèlement son cours, a consisté en un dépôt de gerbe au monument aux morts: elle témoigne que la mémoire de la rafle et du massacre perpétrés en juillet 1944 par la Milice et la division Das Reich contre la communauté juive est encore à vif, six ans plus tard. C’est après cet hommage officiel, et le déjeuner que la plupart ont pris chez eux, que la fête peut vraiment commencer. Elle est conduite alternativement par l'écrivain régionaliste Hugues Lapaire (1869-1967), le poète, conteur et illustrateur Jean-Louis Boncœur (pseudonyme d'Édouard Lévêque, 1911-1997), ou encore par Georges Blanchard, et par des meneurs de revue parisiens relayés par un chansonnier montmartrois, Michel Herbert, tous célébrant à l’unisson les langues et les musiques des petites patries, sans omettre d’entonner La Marseillaise. Le défilé des groupes folkloriques, aux effectifs d’ailleurs très variables, comme le gala, où est repris un spectacle créé au palais de Chaillot en 1948, La Ronde des provinces, proposent des chromos régionalistes qui, partant du Berry et du Bourbonnais, emmènent le public dans le voisinage (Nivernais, Morvan, Auvergne) puis dans des provinces plus éloignées (Vendée, Bretagne, Normandie, Savoie, Roussillon, Provence) avant de le projeter dans la mer des Caraïbes. En effet, commencé avec des musiques orphéoniques, interprétées par L’Indépendante, la fanfare municipale, le programme tripartite se termine invariablement aux Antilles avec des musiques jazzy et des danseuses martiniquaises somptueusement parées: succès garanti pour un exotisme d’inspiration colonialiste, servi par l’orchestre en tournée du Bal nègre de la rue Blomet, qui sera aussi celui du bal de nuit.
Première incursion dans un atelier de lutherie
Le jour du concours, auquel il avait participé à titre individuel dans les épreuves de cornemuse ainsi qu'à celles pour ensemble en tant que "sociétaire" des Gâs du Berry, Georges Charbonnier dit "Plumet" (1896-1969) avait été questionné par Claudie Marcel-Dubois sur le jeu de la cornemuse sans bourdon. Quelques jours plus tard, Marcel-Dubois et Pichonnet-Andral retrouvent dans son atelier de Nohant-Vic celui qu'elles présentent comme "l’unique fabricant de cornemuses du Berry" alors en activité, et qui est aussI "cultivateur et secrétaire de mairie de son état, fils et petit-fils de joueurs et fabricants de cornemuses dans la même localité".
Comme le montrent les notes prises par Pichonnet-Andral (FRAN_0011_05149_L.jpg à 05161_L.jpg, Plumet répond longuement aux questions qui lui sont posées, qu’il s’agisse des fournisseurs et des essences de bois, de la perce des tuyaux, des matériaux qu’il emploie pour le réservoir, des délais de fabrication ou encore des tarifs de vente. L’entretien confirme ce que suggéraient les auditions du concours: dépourvus d’anches, tombées en désuétude dans l’entre-deux-guerres, les bourdons sont réduits à une fonction mi-décorative mi-ergonomique, puisqu’ils servent encore à répartir le poids des tuyaux de la cornemuse des deux côtés du torse de l’instrumentiste. La visite s’achève avec l’acquisition pour le musée d’une cornemuse dont le pied a été tourné, au moins en partie, sous les yeux des enquêtrices.
Il ne semble pas qu’elles aient pu étendre leur observation à l’atelier de La Châtre où Marcel Soing (1908-1984), qui tire son revenu principal de la viticulture, répare et fabrique des vielles à roue.
Mais elles avaient pu réunir quelques informations sur son parcours et son travail en l’interrogeant le jour du concours (scan FRAN_0011_05162_L.jpg), comme elles l’avaient fait dans les mêmes circonstances avec d’autres concurrents: Hubert Foulatier (scan FRAN_0011_05163_L.jpg), Armand Poudroux (scan FRAN_0011_05164_L.jpg), Alfred Redon (scan FRAN_0011_05165_L.jpg) et René Gimalac (scan FRAN_0011_05166_L.jpg). Elles indiquent enfin avoir approché un fabricant d’anches, lui aussi castrais, qu’elles maintiennent dans l’anonymat mais qui paraît identifiable à Albert Lerasle. Lui, Charbonnier et Soing trouvent, assurent-elles, pour leur artisanat, qui reste une activité d’appoint, "des débouchés suffisants grâce aux milieux régionalistes", autrement dit grâce aux groupes folkloriques.
Quand les deux Rivière font connaissance au palais de Chaillot
Gaston Rivière assure dans ses Mémoires (p. 115) avoir été invité "le mois suivant" le concours de St-Amand Montrond à se "rendre au palais de Chaillot pour l’enregistrement des airs [qui y avaient été] exécutés", afin d’enrichir, croit-il savoir, les collections de la "discothèque nationale". Confondant la Phonothèque nationale avec celle du MNATP, Rivière se trompe également de plusieurs années quant à la date de son passage au musée. Il n’est en effet intervenu que le 17 février 1956 et a précédé une rencontre, qui semble ne pas avoir eu de précédent, avec l’autre Rivière, l’hôte de ces lieux. Pour les micros de Marcel-Dubois, Gaston Rivière joue bien en revanche, à la cornemuse puis à la vielle à roue, des airs dont beaucoup avaient été exécutés durant le concours, par lui ou par d’autres concurrents, tels la marche de Chavenon (MUS1956.001.001), celle de la sortie de la messe d’Huriel (MUS1956.001.002, MUS1956.001.003 et MUS1956.001.014), l’inévitable marche des cornards (MUS1956.001.004, MUS1956.001.005, MUS1956.001.014), deux bourrées berrichonnes, carrée pour l’une (Les moutons, MUS1956.001.006 et MUS1956.001.007), droite pour l’autre (Ton ruban bleu, MUS1956.001.008, MUS1956.001.018), une scottish, Le cotillon vert (MUS1956.001.009). Il complète avec la Marche du président (MUS1956.001.004 et MUS1956.001.013) et d’autres danses: une polka piquée (MUS1956.001.019), une gigue (MUS1956.001.020) ainsi que deux quadrilles sur des mélodies d’Offenbach tirées de ses opérettes La vie parisienne (MUS1956.001.025, MUS1956.001.026, MUS1956.001.027, MUS1956.001.028, MUS1956.001.029) et Le joyeux savetier (MUS1956.001.030); il ajoute encore quelques airs de danse titrés Le pas du loup (MUS1956.001.010), Souvenir de Chambérat (MUS1956.001.012), Le Chibreli (MUS1956.001.021), Lou palala (MUS1956.001.022), L’ageasse (MUS1956.001.023 et MUS1956.001.024). Il complète enfin ces démonstrations de virtuosité par deux séquences pédagogiques sur l’accordage de la vielle (MUS1956.001.011) et sur le coup de poignet (MUS1956.001.016).
Rendant compte de cette enquête, Marcel-Dubois a principalement noté qu’elle a permis d’affermir les "données sur la répartition [géographique?] de la vielle à caisse bombée et de la vielle à caisse plate, sur la technique de jeu et sur la situation actuelle de la lutherie traditionnelle en Bourbonnais et en Berry".
Références
Références bibliographiques
- Chassaing (Jean-François), « Les concours de vielles et de cornemuses en Bourbonnais », dans Bulletin de la société d’émulation du Bourbonnais, t. 74, mars 2009, p. 370-394.
- Drouillet (Jean), « Concours de vielles et cornemuses, Un vrai concours national », dans Bulletin de l’Amicale Bas-berrichonne, déc. 1950, p. 8.
Guillaume (Gérard),
- « Les origines de la société des Gâs du Berry et autres lieux du Centre, dans Imaginaires auvergnats Cent ans d’intérêt pour les musiques traditionnelles populaires (l’exemple du Centre France), actes des Rencontres de Riom (1er au 3 novembre 1996) organisées par l’AMTA et la FAMDT, St-Jouin de Milly : Famdt éditions, coll. Modal Poche, 1999, p. 18-31.
- Vielles et cornemuses en Vallée noire, Châteauroux : La Bouinotte, 2018.
- Guillaumin (Frédérique), La seconde vie de la bourrée : autour des musiciens actuels en Centre France, mémoire de maîtrise soutenu à l’université Paris 8 – département Musique, Saint-Denis, 2003.
- Heintzen (Jean-François « Maxou »), « Pattes de mouches et rats d’archives » [à propos d’un « concours de vielles & musettes, Bourbonnais, 1900], dans Trad magazine n°94, mars 2004, p. 75.
- Leguet (Florence) et Heintzen (Jean-François « Maxou »), « Gilbert Malochet, de la tradition au folklore », dans Imaginaires auvergnats Cent ans d’intérêt pour les musiques traditionnelles populaires (l’exemple du Centre France), actes des Rencontres de Riom (1er au 3 novembre 1996) organisées par l’AMTA et la FAMDT, St-Jouin de Milly : Famdt éditions, coll. Modal Poche, 1999, p. 6-17.
- Marcel-Dubois (Claudie), « Musicologie » dans Le mois d’ethnographie française, oct. 1950, p. 84 et 85-86.
- Rivière (Gaston)
- (avec Émile Pauly), Méthode de vielle, avec un recueil d’airs gradués et une sélection d’airs auvergnats, berrichons, bourbonnais, limousins, Montluçon : chez l’auteur, [1952].
- Mémoires et souvenirs, Riom : Amta, 1990.
- Sinsoulier-Bigot (Agnès), « Biaude et barbottiaux : l’invention du costume berrichon », dans Lethuillier (Jean-Pierre) (dir.), Les costumes régionaux : entre mémoire et histoire, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 85-92.
Tiersot (Julien), La chanson populaire et les écrivains romantiques, Paris : Plon, 1931.
Références filmiques
- Darré (Claude-Olivier), Les 80 ans de musique en Berry d’Albert Daugeron : itinéraire d’une vie de musicien, vidéocassette 50’, Vendœuvres : Lancosme multimédia, 1998.
- Griffon (Jacques), Luthiers de vielle et de cornemuse, film muet en noir et blanc de 8’39’’, 1957, tourné dans les ateliers de Georges Charbonnier et de Marcel Soing (accessible en ligne sur le site de l’agence régionale Ciclic)
- Sulleman (Christian), Le vieil homme [Gaston Rivière] et la vielle, film vidéo couleurs de 26’, Lyon : France 3 Rhône-Alpes Auvergne, 2002.
Les archives de l'enquête
Les archives sonores
Le concours de 1950
Les 65 enregistrements réalisés en Bas-Berry durant le mois d’août 1950 par Marcel-Dubois et Pichonnet-Andral, avec le concours d’Austin Fife, ont été portés à l’inventaire du MNATP sous le numéro de collection MUS1950.006.
Pour l’essentiel, ces enregistrements conservent la trace des prestations de 28 [?] des candidats individuels au concours de vielles et cornemuses (50.6.1-1 à 50.6.29), mais pas celles des trois ensembles ayant participé à la compétition du 14 août 1950. Concernant les Gâs du Berry, qui furent l’un des deux lauréats ex æquo dans cette catégorie, la collection comprend toutefois six items (MUS1950.006.030 à MUS1950.006.034), enregistrés à Éguzon (Indre), six jours plus tard, lors d’une sortie du groupe de Nohant. Les trois derniers fichiers gardent la captation sonore des entretiens menés par Marcel-Dubois, à nouveau le 14 août, avec deux joueurs de cornemuse qui venaient de concourir: Maurice Oliveau (50.6.35), marchand de musique à La Châtre, et Georges Charbonnier dit Plumet, par ailleurs secrétaire de la mairie de Nohant-Vic et facteur de cornemuses (MUS1950.006.036 et 037).
Il est dommage que la visite que les enquêtrices ont rendu dans son atelier à "Plumet", entre le 15 et le 19 août, n’ait pas été enregistrée, même s’il en subsiste une trace écrite assez détaillée dans un des carnets de Pichonnet-Andral (voir ci-après, le fonds d'archives textuelles).
Les enregistrements de Gaston Rivière en 1956
Il existe bien en revanche un complément sonore à la collection MUS1950.006, qui porte le numéro d’inventaire MUS1956.001. Il s’agit de la session d’enregistrement à laquelle Gaston Rivière s’est prêté en février 1956 au palais de Chaillot, dans le studio du service d’ethnomusicologie, et au cours de laquelle il a rejoué la plupart des airs interprétés par lui-même comme par d’autres candidats lors du concours de 1950.
Les archives textuelles
Le dossier documentant cette enquête, tel du moins qu’il a été transféré de l’ancien site parisien du Mucem aux Archives nationales (cote 20130043/47/1 à 6), est modeste. Il comprend huit courriers, une affiche sans illustration, trois cahiers d’observations de terrain et quelques feuillets de notes manuscrites: presque tous ces documents concernent le concours du 14 août 1950 à St-Amand Montrond.
Les correspondances (scans FRAN_0011_05060_L.jpg à FRAN_0011_05077_L.jpg) ont été échangées de la fin juillet à la fin août 1950 entre quatre protagonistes essentiels de l’enquête: les inévitables Georges Henri Rivière (scans 05060, 05062 et 05077) et Claudie Marcel-Dubois (scans 05063 et 05064), mais aussi Austin Fife (scans 05061, 05066 et 05067), leur collègue américain, et celui qui a tout déclenché, en tant qu’organisateur du concours de Saint-Amand Montrond: Maurice Delord, secrétaire général et co-fondateur de l’Amicale Bas-Berrichonne de Paris (scans 05065 et 05076). Les sept premières lettres, toutes antérieures au 14 août, éclairent les préparatifs de l’enquête et mettent en évidence qu’elle a été plus improvisée que préméditée. La dernière, adressée le 31 août par GHR à Marcel-Dubois, manifeste de façon très concise la satisfaction du conservateur en chef pour ce qui a été accompli en Berry tout en fixant la feuille de route des étapes suivantes, qui devront être consacrées à la prospection et aux acquisitions organologiques (scan 05077).
Viennent ensuite trois cahiers qui forment la composante la plus substantielle de l’enquête. Le premier (scans FRAN_0011_05085_L.jpg à FRAN_0011_05102_L.jpg) présente un caractère quasi-officiel. Il a en effet été préparé par les organisateurs du concours, en autant d’exemplaires que le jury comportait de membres. Sur ce "cahier de juré" ou d’examinateur, sont inscrits dans la partie supérieure de chaque page de droite les noms des candidats concourant dans la même catégorie d’une même discipline instrumentale, à charge pour l’examinateur de compléter le cadre en inscrivant dans les colonnes situées à droite de ces noms les notes qu’il attribue à la tenue et au jeu de chacun.e, puis d’en faire la somme; la présence ou l’absence de ces mentions chiffrées permet de savoir qui a effectivement concouru et qui n’a pas dépassé le stade du dépôt de candidature. Marcel-Dubois a parfois utilisé le reste de cette page de droite et la page de gauche pour reporter les informations qu’elle a recueillies intéressant tel ou tel candidat, pas nécessairement en rapport avec sa prestation. Elle a aussi préféré confier à quelques feuilles volantes des relevés ou des observations complémentaires (scans FRAN_0011_05103_L.jpg à FRAN_0011_05110_L.jpg).
Le deuxième cahier (scans FRAN_0011_051101_L.jpg à FRAN_0011_05148_L.jpg) fait étroitement écho au premier, puisqu’il concerne le concours de façon aussi exclusive. Il est de la main de Pichonnet-Andral, qui a assisté au concours dans les rangs du public, et consiste principalement en remarques sur les prestations des concurrents. Pichonnet-Andral s’y montre fort attentive au jeu de chacun et en rend compte par des commentaires textuels nécessairement plus éloquents que les notes chiffrées de sa collègue; l’indication "La fin est tronquée" qu’on relève plus d’une fois amène à faire l’hypothèse que la réalisation des prises de sons lui aurait été déléguée par Fife et Marcel-Dubois: elle aurait été de ce fait la mieux à même de constater que la durée de tel ou tel morceau allait excéder la capacité d’enregistrement du disque et voulu ainsi signifier l’impossibilité d’en faire une captation sonore intégrale.
Le troisième cahier (scans FRAN_0011_05149_L.jpg à FRAN_0011_05168_L.jpg), où l’on reconnaît également l’écriture de Pichonnet-Andral, est un document d’enquête plus classique: y sont principalement consignées (feuillets 24 à 41, scans 05149 à 05162) les observations que les deux chercheuses ont pu faire dans l’atelier de Georges Charbonnier, à Nohant-Vic, en suivant toutes les étapes de la fabrication d’une cornemuse. Pichonnet-Andral a scrupuleusement noté la description très précise que le facteur a faite de chaque phase, taille des anches comprise, les indications qu’il a livrées sur ses fournisseurs mais aussi ses conseils pour assouplir un réservoir de cornemuse, ses liens avec les luthiers de Jenzat (Pajot) ou encore son travail collaboratif avec Marcel Soing pour la réalisation ou la réparation de vielles à roue. Le document est d’autant plus précieux que l’entretien ne semble pas avoir été enregistré et qu’il n’y a pas non plus de témoignage visuel de la rencontre, même si cette lacune est en partie compensée par le film de Jacques Griffon (1957), Luthiers de vielle et de cornemuse, qui montre Charbonnier ébauchant, tournant et perçant un pied de cornemuse. Les derniers feuillets du carnet intéressent précisément Marcel Soing, collègue en lutherie de "Plumet" et son voisin, puisque résidant à La Châtre (feuillets 41 et 42, scans 05162 et 05163), et, de façon plus expéditive, d’autres concurrents de la compétition de St-Amand Montrond: Hubert Foulatier, Armand Poudroux, Alfred Redon et René Gimalac (feuillets 43 à 46, scans 05164 à 05166).
Enfin, s’il faut chercher dans des collections privées le règlement comme le compte rendu du concours, le dossier du MNATP contient l’affiche de la «grande fête folklorique» du 14 août 1950 dont le concours de vielles et cornemuses a constitué la séquence la plus longue mais pas nécessairement la plus mémorable (scan FRAN_0011_05084_L.jpg).
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