De la clique au bagad
Afin de relancer la pratique du biniou et de la bombarde, en perte de vitesse depuis le début du 20e, les Bretons s'approprient le pipe band écossais qui a marqué les esprits sur le front de l'Yser pendant la Grande Guerre, créant ainsi un nouvel espace de jeu à leurs instruments traditionnels et favorisant la pratique collective.
Afin de relancer la pratique du biniou et de la bombarde, en perte de vitesse depuis le début du 20e, les Bretons s'approprient le pipe band écossais qui a marqué les esprits sur le front de l'Yser pendant la Grande Guerre, créant ainsi un nouvel espace de jeu à leurs instruments traditionnels et favorisant la pratique collective.
En juillet 1949 à Quimper, à l’occasion des grandes fêtes de Cornouaille et du concours des meilleurs sonneurs de Bretagne, les ethnomusicologues du MNATP peuvent enregistrer les premières formations créées en Bretagne dès le début des années 1930 à l’image des Pipe bands britanniques (on entend ici, joué, en 1954, par le pipe-band de Glasgow, Stirling-shire Militia, inscrit de manière erronée "John Morrison at the castle Hanson", sur le registre de la phonothèque - MUS1954.009.001). Sont d’ailleurs invités des musiciens d’outre-manche dont Peter Mac Lachlan qui joue, au bag-pipe, Pibroch O'Donald Dubh (MUS1949.006.045.001). C'est une marche militaire en 6/8 qui compte parmi les plus jouées par tous les régiments écossais. Composée à la fin du 19è siècle pour les régiments, elle s'est inspirée d'un vrai pibroch (répertoire de musique savante pour soliste de cornemuse écossaise) qui s'appelle en gaélique Piobaireachd Dhomnuill Duibh (Black Donald's march) d'où le titre Pibroch O Donald Dubh.
Désignée "clique" par les ethnomusicologues du musée, à l’image justement de ces formations régimentaires faites d’instrument à vent et de percussion, les Bretons les nomment d’abord kevrenn (section) puis le nom devient plus généralement bagad (troupe).
A cette époque, elles sont encore peu nombreuses. Deux d’entre elles participent au concours : une des premières formées, la Kevrenn Karaez, celle des Cheminots de Carhaix dans le Finistère (Marche MUS1949.006.017.001) qui remporta le 1er prix et la Kevrenn Rostrenn, de Rostronen, dans les Côte d’Armor (Air composé pour la clique par Polig Monjarret, MUS1949.006.018.001). Ces documents possèdent aujourd’hui un caractère historique et donnent un témoignage sonore des début de la musique pour ensemble instrumentaux.
L’amélioration du jeu en bagad devra beaucoup aux concours organisés régulièrement par B.A.S. depuis celui de 1949. Ils ont conduit, grâce à l’émulation propre au concours, à développer la dextérité et le niveau technique, mais aussi contribué, pour que l’intérêt du public soit constant, à l’enrichissement du répertoire en l’ouvrant, notamment, à des créations.
En 1954 au festival de cornemuses Brest où le MNATP est également présent, Claudie Marcel-Dubois et Maguy Andral n’enregistrent pas les Bretons, en couple ou en bagad, mais seulement un pipe-band (54_09) et d’autres musiciens des pays dits celtiques (Galiciens, Irlandais, etc.).
L’année d’après à Poullaouen (Finistère), Loeiz Roparz, l’un des sonneurs du concours de 1949, et surtout une personnalité bien connue dans le mouvement culturel breton de l’après-guerre, organise un concours de chant auquel il convie les ethnomusicologues du MNATP. Il a réuni des sonneurs pour animer les festivités, dont deux kevrennoù dont Koat Serc’ho, de Morlaix (qu'on entend ici jouer Paotred Montroulez, Gars de Morlaix, MUS1955.015.050) et celle de Brest que le musée pourra donc enregistrer (Air sonné, MUS1955.015.072).
Bibliographie
- Le Gonidec, Marie-Barbara, "Du civil au militaire, l'exemple du bagad de Lann-Bihoué", in Temps de la guerre versus temps de la paix : l'expression musicale comme agent du lien social, Paris, éditions du CTHS, 2013, p. 93-119 (télécharger)
- Morgant, Armel, Roignant, Jean-Michel, Bagad, vers une nouvelle tradition, Coop Breizh, Spezet, 2005.
Remerciements à Patrig Sicard, Laurent Bigot et Patrig Molard