Les concours d'instruments

Puissant outil de stimulation et d’émulation, les concours, publics et dotés de prix, ont été mis en place à la fin du 19ème siècle pour enrayer le déclin des instruments représentatifs du "terroir" dans le cadre des mouvements régionalistes....

Affiche du concours de vielles et cornemuses de Saint-Amand-Montrond (Cher), 14 août 1950 (Archives nationales, 20130043/47, scan FRAN_0011_050843_L.jpg)
Affiche du concours de vielles et cornemuses de Saint-Amand-Montrond (Cher), 14 août 1950 (Archives nationales, 20130043/47, scan FRAN_0011_050843_L.jpg)

Puissant outil de stimulation et d’émulation, les concours, publics et dotés de prix, ont été mis en place à la fin du 19e siècle pour enrayer le déclin des instruments représentatifs du "terroir" dans le cadre des mouvements régionalistes.

Si les Bretons semblent en avoir pris l’initiative en 1881 à Saint-Brieuc (Côte d’Armor), l'idée gagne rapidement du terrain. Huit ans après, à Paris, est organisé le "Concours de musiques pittoresques" dans le cadre de l’Exposition universelle de 1889. S’y présentent des musiciens d'Auvergne, Berry, Bourbonnais, Bretagne et Provence. Une partie de l'événement est consacrée aux joueurs venus des pays européens exposants à Paris.

Ces concours font, en quelque sorte, figure de précurseurs des spectacles folkloriques que donnent au début du siècle suivant les groupes du même nom qui s’organisent un peu partout en France dans un souci similaire: assurer la sauvegarde des traditions locales afin de les transmettre aux générations futures, faire connaître aux premiers touristes les richesses de la région, se doter de nouvelles occasions de rassemblements collectifs pour faire vivre les arts populaires. Ces groupes ont assurément permis, d’une certaine manière, la conservation des danses et du répertoire instrumental et chanté.

Même si toute sorte d’événements festifs continuent à être organisés, dont les concours et ce, régulièrement en Bretagne notamment où ils ne cessent pas, cela n’empêche pas le déclin de la pratique des instruments "de tradition" qui s’accentue après la Grande Guerre. Si le succès que rencontrent ces fêtes leur permet néanmoins de perdurer, c’est entre les mains de joueurs d’une nouvelle génération déconnectée de la pratique ancestrale, vivant souvent en milieu urbain et soucieux de voir perdurer la tradition musicale de leur région d'origine.

Craignant sûrement de ne pas avoir affaire à des musiciens "authentiques" venus du milieu paysan, Claudie Marcel-Dubois et Maguy Pichonnet-Andral, ethnomusicologues au Musée national des arts et traditions populaires, ne cherchent pas à tout prix à venir poser leurs micros devant la scène de tel ou tel concours dans le cadre d’une fête folklorique, sauf peut-être, à l'occasion du Festival de Biarritz (1953) où aucune compétition ne s'est déroulée mais qui, en réunissant des groupes venus des cinq continents, leur a permis de procéder à des captations musicales contribuant à l'enrichissement des collections sonores du musée.

Et c’est bien parce qu’elle est invitée à donner une conférence à l’occasion des fêtes de Cornouaille de Quimper en 1949 que Claudie Marcel-Dubois viendra, accompagnée de Maguy Andral, avec le lourd appareillage de l'époque pour procéder à la captation du Concours des meilleurs sonneurs de Bretagne.

Claudie Marcel-Dubois enregistrant à Quimper en 1949 (Ph.2009.00.1.16)
Claudie Marcel-Dubois enregistrant à Quimper lors des fêtes de Cornouaille de 1949 (Mucem, Ph.2009.00.1.16)


L’année d’après, à l’imitation du concours organisé par les Bretons à Quimper, les joueurs d’instruments traditionnels du Centre France, organisent à Saint Amand Montrond dans le Cher un "Concours de cornemuse et de vielle à roue" (dont l'affiche figure en tête de l'article) qui réunit 70 participants, qui ne connaîtra qu'une édition. Les ethnomusicologues du musée en enregistrent une bonne partie. 

L'Assemblée des Sonneurs bretons, BAS (Bodadeg ar Sonerion), à l'initiative du concours de Quimper de 1949, renouvelle quant à elle l’expérience dans les années qui suivent.

Page du programme des fêtes de Cornouaille, Quimper, 1949 (FRAN_0062_0370)
Page du programme des fêtes de Cornouaille de 1949, Quimper (Archives nationales, 20130043/46, scan FRAN_0062_0370_L.jpg)


C’est à nouveau à l’occasion d’une invitation adressée par les organisateurs du concours qui se tient en 1954 à Brest, que Claudie Marcel-Dubois et Maguy Andral se rendent en Finistère pour enregistrer non pas, étonnamment, les sonneurs bretons mais les pipes-bands et les joueurs de cornemuse de Galice (Espagne), invités en tant que membres d'une "nation" celte. Là encore, serait-ce un moyen d'enrichir les collections sonores du département d'ethnomusicologie que Marcel-Dubois dirige ?

Brest 1954 aura été la dernière fois où les deux chercheuses auront enregistré des musiciens dans ce contexte particulier de rencontres "provoquées", préférant l'environnement "naturel" permettant d'observer la pratique dans son lien avec le cadre de vie et le quotidien des enquêtés. 

Rédactrice: Marie-Barbara Le Gonidec