Jack Le Feuvre, chanteur des îles anglo-normandes

Ce chanteur enregistré en 1970 attire l’oreille pour la qualité de son interprétation autant que par la richesse de son répertoire.

Jack Le Feuvre sur le seuil de sa maison en 1970, La Genetiere, Sercq, îles anglo-normandes ( (cliché Maguy Andral, Mucem, Ph.1972.158.2)
Jack Le Feuvre sur le seuil de sa maison en 1970, La Genetiere, Sercq, îles anglo-normandes ( (cliché Maguy Andral, Mucem, Ph.1972.158.2)

John Philip Le Feuvre, surnommé Jack, né en 1892, était une figure bien connue de Sercq.
"Vacher du Seigneur", il était également le boucher de l’île et se déplaçait de ferme en ferme pour tuer ou accoucher les bêtes. Il était aussi occasionnellement coiffeur.

Comme deux de ses frères, il a combattu dans la Royal Guernsey Light Infantry pendant la Première Guerre, au cours de laquelle il a été blessé en mars 1918. Suite à un premier mariage avec Julia Guille, il a épousé en secondes noces à l’âge de 51 ans Phyllis Baker, de 25 ans sa cadette, et a emménagé dans la maison de sa femme à La Genetiere, où il a passé la fin de sa vie. Auparavant, il a vécu à La Corderie puis à La Moinerie. Son grand-père, fermier, était originaire de Jersey. Son père a quant à lui navigué puis est devenu pêcheur. Signe distinctif pour l’époque, John Le Feuvre était tatoué sur les mains, une hirondelle sur la droite, une tête de cheval sur la gauche, et sur l’avant-bras gauche un cœur percé d’une flèche. 

Très actif localement dans l’organisation des comices et concours agricoles, dans le British Legion Committee, il était aussi un chanteur réputé qui a fourni de loin le plus important et le plus intéressant répertoire de chansons traditionnelles recueilli lors des enquêtes ethnographiques dans les îles anglo-normandes. Certaines de ses chansons s’apparentent à des thèmes relativement rares (Reiny RenaudMUS1970.030.141)​​ voire inconnus (par exemple C’était un petit couturier MUS1970.030.144 ou Le 26e d'octobre, des îles j'avons parti MUS1970.030.146)

Claudie Marcel-Dubois écrit dans son carnet de route: « C’est un informateur extraordinaire. Sans arrêt, dès qu’une chanson est finie, il dit: "Une autre ?", et en commence une autre ».

En effet, les 10  et 9 juin 1970, il a chanté pas moins de 33 chansons, complètes pour l’essentiel, en français et en anglais devant le micro des deux enquêtrices du Musée National des arts et traditions populaires [accéder à l'enquête complète].

Il a été successivement enregistré par tous les collecteurs venus à Sercq dans la seconde moitié du 20e siècle : Peter Kennedy en 1957, Claudie Marcel-Dubois et Marguerite Pichonnet-Andral en 1970, Sam Richards en 1974 et enfin Peter Anderson en 1976.

Il avait la réputation de pouvoir chanter toute la nuit lorsqu’on l’invitait dans une ferme, et de ne s’arrêter qu’au petit matin. Le chant était avant tout une activité de sociabilité entre hommes, souvent le soir après le travail, et en particulier le dimanche soir et lors des veillées terminant les grands travaux agricoles. Jack ne chantait plus beaucoup à la fin de sa vie, lorsque les principaux autres chanteurs et musiciens de l’île étaient morts ou trop vieux pour partager cette activité avec lui. Il s’est éteint en 1979 dans sa 87e année.

Accéder au répertoire de Jack Le Feuvre.


BibliographieChansons et musiques traditionnelles des îles anglo-normandes. Traditional music & songs of the Channel Islands, livre-CD co-écrit par Yvon Davy, Éva Guillorel, Étienne Lagrange et Roland Scales, Vire, éd. La Loure, 2018.

Rédacteurs: Éva Guillorel et Yvon Davy